Entretien réalisé le lundi 24 octobre dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Smaranda Baciu est architecte et spécialiste en restauration du patrimoine. Dans cet entretien, elle fait le point sur le programme pour la restauration des monuments historiques de la capitale roumaine…
Où en est le programme de restauration du patrimoine historique à Bucarest* ?
Ce programme très ambitieux, qui concerne autant les édifices publics que privés, a été lancé au début de l’année dernière, à l’époque où Edmond Niculușcă – fondateur de l’Ong ARCEN pour la protection du patrimoine bucarestois, ndlr – était conseiller du maire de Bucarest et directeur adjoint de l’administration chargée des travaux de consolidation des bâtiments. Concrètement, le programme permet le financement par des fonds publics des travaux de restauration et de consolidation des immeubles à risque sismique. Ce type de financement a déjà existé, sauf que cette fois-ci, les budgets seront enfin pluriannuels, c’est-à-dire sur du long terme. Et cela veut dire surtout que les propriétaires auront la certitude qu’une fois leur demande de restauration acceptée, les travaux seront démarrés et finalisés. Le grand mérite d’Edmond Niculușcă fut de s’entourer d’experts avec lesquels il a décidé des normes méthodologiques du programme. Malheureusement, il a démissionné de ses fonctions, en déplorant la bureaucratie et le nombre insuffisant de spécialistes au sein de la municipalité par rapport à celui des fonctionnaires (lire l’article de hotnews.ro du 1er mars dernier, ndlr). De fait, ce programme de restauration, lancé en 2021 et déjà prêt à l’époque, n’a été approuvé par le conseil général de la mairie qu’en juin dernier.
* Lire l’article d’economedia.ro sur le lancement du programme (5 avril 2021).
Le programme est-il réalisable pour l’ensemble des arrondissements de Bucarest ?
Oui, il s’agit d’un programme qui s’applique sur toute la capitale. On parle de milliers, voire de dizaines de milliers d’édifices qui nécessitent des travaux de consolidation, soit tous les immeubles et maisons construits à Bucarest entre 1800 et 1950. Au-delà de la zone comprise entre Piața Universității, Lipscani et Unirii, tous les quartiers historiques sont concernés. Par le choix des matériaux et la conception de leur structure, ces constructions ne correspondent plus aux normes de résistance en cas de séisme. 80% des bâtiments érigés dans la partie historique de la capitale auraient besoin de travaux de consolidation et de conservation.
Que faudrait-il faire pour une meilleure prise de conscience du patrimoine historique de la part des citoyens ?
Malheureusement, on est ici confronté à un manque chronique de prise de conscience citoyenne vis-à-vis du patrimoine historique. Une majorité de Roumains n’est pas suffisamment éduquée pour pouvoir apprécier la valeur des bâtiments du passé. D’un autre côté, jusqu’à présent, l’administration publique n’a jamais aidé les propriétaires à s’occuper de ces questions. Or, de tels mécanismes de soutien existent depuis longtemps un peu partout au sein de l’Union européenne, il n’y a rien à inventer. En fait, il faudrait un effort continu de la part des autorités déployé dans deux directions ; d’une part, éduquer dès le plus jeune âge sur l’importance du patrimoine historique , et d’autre part, adopter des mesures aussi bien de conservation et de protection des édifices, que coercitives à l’adresse des propriétaires qui délaissent ces bâtiments.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.
À lire ou à relire, notre premier entretien avec Smaranda Baciu sur la conservation du patrimoine historique sur l’ensemble de la Roumanie (« Regard, la lettre » du 10 avril 2021) : https://regard.ro/smaranda-baciu/