Entretien réalisé le vendredi 8 mars dans la matinée, par téléphone et en roumain.
L’expert-comptable Daniel Sandu du cabinet comptable D&C Conta fait le point sur les nouvelles règles fiscales instaurées par le gouvernement fin 2023, un an après un précédent train de mesures qui avait suscité préoccupation notamment au sein des micro-entreprises et des petits entrepreneurs…
Lors de notre premier entretien, en septembre 2022*, vous évoquiez votre inquiétude quant aux modifications fiscales annoncées à l’époque par le gouvernement. Quel a été finalement leur impact ?
Les difficultés pour les PFA – Personnes physiques autorisées, l’équivalent du statut français d’autoentrepreneur, ndlr – et pour les microentreprises, que je redoutais alors, se sont depuis aggravées, car une nouvelle série de modifications a été annoncée fin 2023. Par exemple, selon nos informations, la hausse des cotisations santé et retraite touchant les contrats de travail à temps partiel a provoqué la résiliation d’une partie d’entre eux. Les plafonds des cotisations santé pour les PFA ont, pour leur part, été relevés à partir de cette année, entraînant une charge fiscale supplémentaire. Résultat : beaucoup d’individus ont préféré abandonner ce statut. Et si l’on compare l’automne 2022 à l’automne 2023, je dirais que les modifications fiscales les plus récentes sont aussi les plus agressives ; elles ont généré non seulement une hausse des charges fiscales pour les PFA, mais aussi des impôts supplémentaires pour les grandes compagnies dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros. Vu la formule de calcul adoptée, ces grandes sociétés peuvent être amenées à payer un impôt sur leurs pertes, ce qui est anti-économique. Par ailleurs, cette mesure a entraîné une multitude de fusions et de divisions sur le marché. De leur côté, les banques doivent désormais payer un impôt de 2% sur leur chiffre d’affaires. Si elles ne s’en sont pas plaintes, c’est parce qu’elles peuvent transférer ces coûts à la charge des clients. Pareil pour les compagnies gazières et pétrolières qui doivent payer un impôt supplémentaire de 0,25% sur leur chiffre d’affaires et reporteront sans doute ces coûts sur leurs tarifs. Certes, l’impact de l’ensemble de ces mesures avait été anticipé par la Banque nationale qui avait notamment averti du lien étroit entre fiscalité et inflation. Voilà l’état des choses à ce stade. On pourra faire une nouvelle évaluation d’ici six mois, par exemple, pour voir si cette politique fiscale a eu le résultat escompté en ce qui concerne les recettes publiques.
* https://regard.ro/daniel-sandu/
Où en la Roumanie en termes de fiscalité par rapport aux autres pays de l’Union européenne ?
Si l’on regarde l’imposition des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, je dirais que la taxation est raisonnable. Bien que pour les microentreprises, à partir de cette année, la taxation pour certaines activités soit passée de 1 à 3% de leurs revenus. Pour l’ensemble des autres sociétés, le taux général d’imposition reste à 16%, ce qui est relativement bas par rapport aux autres pays de l’UE. Et si le taux d’imposition sur les dividendes s’élève à 8%, contre 5% il y a quelques années, il est également raisonnable. Par contre, la taxation des salaires est très élevée ; les impôts dus par une compagnie pour un employé représentent environ 70% de son salaire net, ou 40 à 42% du salaire brut. Le gouvernement avait assuré l’année dernière qu’aucune taxe ne serait majorée, or cela n’est pas vrai. Même discours pour 2024. Et vu que le montant des taxes collectées en ce début d’année est très en-deçà des prévisions, je crains que le gouvernement issu des prochaines élections ne doive adopter de nouvelles mesures. À moins qu’il ne le fasse encore plus tôt, mi-2024.
À votre avis, que devrait faire le gouvernement pour diminuer le déficit public ?
Nous, petits et moyens entrepreneurs, estimons qu’on ne se penche pas suffisamment sur la baisse des dépenses publiques. Chaque fois qu’il est question de déficit, les autorités évoquent tout de suite une hausse de la fiscalité, mais elles ne font rien pour réduire les dépenses. Par exemple, en dépit d’une ordonnance du gouvernement qui limite ou interdit les recrutements dans le secteur public, 14 000 nouvelles embauches ont déjà eu lieu depuis son adoption. Il y a certes des secteurs déficitaires en termes de main-d’œuvre, que ce soit dans la santé ou la justice, mais il faudrait davantage de cohérence et ne pas encore et toujours créer de nouvelles agences publiques faisant le travail qui incombe en principe aux ministères.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.