Entretien réalisé le lundi 26 septembre dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Le gouvernement roumain compte instaurer de nouvelles règles fiscales qui causent l’incompréhension et risquent de mettre en difficulté un grand nombre de micro-entreprises et de petits entrepreneurs. Éclairage avec l’expert-comptable Daniel Sandu du cabinet comptable D&C Conta…
En quoi les prochaines modifications fiscales prévues par le gouvernement sont-elles radicales ?
D’abord, il y a une modification majeure concernant les cotisations pour les contrats à temps partiel. Cette mesure, entrée en vigueur le 1er août dernier, est venue augmenter les cotisations de santé et de retraite pour les personnes qui ont un contrat à temps partiel dont le montant n’atteint pas l’équivalent du salaire minimum. Par exemple, au sein de notre cabinet, pour une personne qui travaille 4 heures par jour, 5 jours par semaine, nous payons désormais 532 lei de plus par mois – environ 106 euros, ndlr. Pour l’employeur, il s’agit d’un effort financier démesuré par rapport au montant du salaire. En outre, ces employés à temps partiel doivent fournir à leur employeur une déclaration indiquant s’ils ont d’autres contrats à temps partiel, et si leurs salaires cumulés atteignent ou non l’équivalent du salaire minimum – 2550 lei brut par mois, soit 515 euros environ, ndlr. L’employeur doit ainsi faire très attention à obtenir toutes ces attestations sans lesquelles il devra payer des taxes supplémentaires.
Ensuite, il y a des changements fiscaux également prévus pour les PFA – Personnes physiques autorisées, l’équivalent du statut français d’auto-entrepreneur, ndlr – à partir du 1er janvier 2023. Ceux qui, pour l’année 2023, réaliseront des revenus égaux ou supérieurs à deux fois le salaire minimum mensuel verront leurs cotisations santé et retraite doubler. Par ailleurs, le revenu minimum à partir duquel les PFA devront payer leurs cotisations a été divisé par deux.
Enfin, toujours à partir du 1er janvier, l’imposition des micro-entreprises va changer de façon radicale. Jusqu’à présent, celles avec un salarié ou plus payaient 1% d’impôt sur leur chiffre d’affaires, et 3% dans le cas où aucun salarié n’était enregistré. Désormais, celles sans employés seront soumises à une imposition équivalente à 16% de leur profit. Et les micro-entreprises avec des employés seront elles aussi soumises à une imposition de 16% sur leur profit si elles réalisent plus de 20% de leur chiffre d’affaires grâce à des activités dites « intellectuelles », c’est-à-dire tout ce qui concerne le consulting, la formation, etc…
Quelles catégories socio-professionnelles seront particulièrement touchées ?
Cela va affecter une part immense des petits entrepreneurs. Les PFA sont souvent des artisans, des petites entreprises familiales, etc… Quant aux micro-entreprises, il y a une grande diversité de profils. Pour les activités de service à haute valeur ajoutée, le passage d’une imposition basée sur le chiffre d’affaires à une imposition basée sur le profit représente une augmentation colossale. En général, ces entreprises n’ont que très peu de charges, le chiffre d’affaires se rapproche donc du montant des profits. Je pense aussi aux étudiants qui sont pour la plupart engagés à temps partiel. Le coût supplémentaire représenté par ces modifications va fortement réduire le nombre de contrats étudiants.
Au-delà de l’objectif clair d’accroître le budget de l’État, quelles conséquences ces mesures pourraient-elles avoir à terme ?
La première conséquence sera l’augmentation des prix des biens et services produits par les entreprises sous ces régimes fiscaux, le tout dans un contexte où l’inflation bat déjà des records. Ceci étant, je ne crois pas que ces mesures vont provoquer des faillites en masse, mais plutôt une baisse de la création d’activités. Le seul intérêt de ces nouvelles dispositions fiscales est d’amener plus d’argent dans les caisses de l’État ; cela pourrait cependant avoir l’effet contraire. Ces changements vont décourager l’initiative économique et la création de petites entreprises qui tirent l’économie vers le haut. Il est également possible que les activités non déclarées se développent. Suite aux nouvelles règles pour les travailleurs à temps partiel, 30 000 contrats à temps partiel ont déjà été annulés. Certains ont été transformés en contrats à temps plein, alors que d’autres employés travailleront sans être déclarés.
Propos recueillis par Hervé Bossy.