Entretien réalisé le mercredi 25 janvier dans la matinée, en roumain, à la gare de Valea Vişeului, région de Maramureş.
Depuis le 18 janvier, un train de voyageurs circule de nouveau entre l’Ukraine et la Roumanie, entre le village de Valea Vişeului (Maramureş) et Rakhiv (Transcarpatie), ville ukrainienne située à 20km de la frontière. Rencontre avec Vlad Nicolae, chef de gare à Valea Vişeului…
Pourquoi ce tronçon ferroviaire entre les deux pays a-t-il été rénové ?
Dans la région du nord-ouest, il n’existe qu’un seul passage de frontière pour les voitures et les piétons, à Sighetu Marmaţiei. Avec la guerre, l’Ukraine nous a sollicités pour rouvrir ce train entre Valea Vişeului et Rakhiv. C’est une ligne à écartement large qui correspond aux écartements de rails de l’ex-URSS, et qui permet aux trains ukrainiens de circuler. Selon mes informations, ils souhaiteraient également fermer le pont à Sighetu Marmaţiei afin de le rénover, donc le train sera la seule option possible pour passer en Roumanie. Si Valea Vişeului et Rakhiv sont des petites communes, on peut aller directement à Cluj et Bucarest via Valea Vişeului, ou à Kyiv et Lviv par Rakhiv. D’ailleurs, les horaires du nouveau train sont adaptés en fonction des horaires d’arrivées et de départs des deux côtés de la frontière. Ainsi, une personne qui arrive de Bucarest en train de nuit le matin peut prendre le train de Kyiv l’après-midi et vice-versa. Enfin, l’idée est que cette ligne soit de nouveau empruntée par les trains de marchandises, notamment de céréales, afin de remédier au blocus des ports ukrainiens. C’est déjà le cas du côté de Halmeu, dans le département de Satu Mare, point de passage de marchandises entre les deux pays qui a toujours fonctionné. Mais la demande fait qu’il faut multiplier ces points de passage.
Pourquoi la ligne avait-elle fermé en 2006 ?
Avec l’ouverture du pont de Sighetu Marmaţiei au début des années 2000, les voyageurs ont préféré voyager en voiture ou minibus. Ils pouvaient ainsi transporter ce qu’ils avaient acheté en Ukraine ou en Roumanie. De plus, le passeport spécial pour les résidents qui vivaient à moins de 30km de la frontière a été retiré.* Le train a alors été délaissé, et il a fini par être abandonné. Concernant le transport de marchandises, il a aussi été stoppé dans les années 2000 car les entreprises ont privilégié le transport par camions. De toute façon, il n’y a pas de ressources importantes dans la région, comme du sel ou des minéraux, qui nécessiteraient un transport par train. Mais la guerre a changé la donne ; le transport de céréales est maintenant plus pratique et moins coûteux en train que par camions. Surtout qu’après le chargement de la marchandise sur un train à écartement normal, celle-ci peut être directement envoyée jusqu’au port de Constanţa, ou vers d’autres pays d’Europe. Par ailleurs, il y a également une ligne à écartement large qui va de Valea Vişeului jusqu’à Câmpulung la Tisa (Maramureş, ndlr) et qui devrait reprendre bientôt. À l’époque soviétique, elle était utilisée par les Ukrainiens pour contourner les Carpates et arriver plus rapidement dans leurs villes à l’ouest de la chaîne de montagnes.
* Les passeports de résidents frontaliers ont été retirés avant l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en 2007. Les Ukrainiens ne pouvaient alors plus rentrer sans visa, jusqu’à la signature d’un accord d’association entre l’Ukraine et l’UE en 2014.
Quels sont les autres bénéfices de cette réouverture ?
D’abord, nos deux gares redeviennent des gares de frontière. Il y aura aussi des retombées économiques, du côté ukrainien avec le transport de marchandises, et du nôtre parce que les Ukrainiens paient une taxe pour l’utilisation de nos infrastructures. Enfin, c’est une bonne nouvelle pour les habitants. Il y a des Ukrainiens et des Roumains des deux côtés. Valea Vişeului est d’ailleurs une ville majoritairement composée d’Ukrainiens. Les gens pourront ainsi rendre visite à leurs proches plus facilement. Sinon, il faut faire un détour de deux heures pour aller jusqu’à Rakhiv en voiture.
Propos recueillis par Marine Leduc.