Entretien réalisé le vendredi 10 mars dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Valentin Arsene est pyschothérapeute, membre de l’Institut pour l’étude et le traitement des traumatismes (ISTT) fondé en 2010. Il se penche ici sur l’expérience traumatique, telle qu’une guerre, et explique comment la surmonter…
Qu’est-ce qu’un traumatisme et comment est-il diagnostiqué ?
Jusqu’à il y a environ une dizaine d’années, nous n’étions pas très conscients de l’impact ni des conséquences d’un événement traumatique. Aujourd’hui, on sait mieux cerner le traumatisme, on comprend qu’il s’agit d’une blessure dans la psyché humaine causée par une expérience traumatique. Cette dernière fait perdre le contrôle et la maîtrise de soi, ce qui entraîne un sentiment de désorganisation et de perte de sens. Les expériences traumatisantes sont diverses : viol, abus physiques sur un enfant, guerre, accident de voiture avec des conséquences physiques, voir un autre être humain souffrir… Il y a aussi des traumatismes moins visibles qui sont des expériences de stress très élevé sur une longue période, et qui ont également pour effet d’engendrer un sentiment d’impuissance absolue. Par exemple, négliger un enfant est, pour lui, une expérience traumatisante. Afin de déceler ces traumatismes, certaines cliniques sont spécialisées dans le trouble de stress post-traumatique. Elles ont des critères de diagnostic clairs, comme par exemple les images ou rêves intrusifs de l’expérience traumatique, ou l’hypervigilance – état avancé de sensibilité relié au symptôme de stress post-traumatique, ndlr.
Actuellement, la Roumanie accueille plus de 100 000 réfugiés ukrainiens qui ont subi la guerre et l’exil. Comment les soutenir psychologiquement ?
Personnellement, je n’ai pas travaillé avec les réfugiés ukrainiens à cause de la barrière de la langue. En revanche, j’ai offert mon soutien à d’autres associations qui fournissent une assistance humanitaire aux réfugiés. Tout d’abord, le fait de recevoir des gens à bras ouverts, de leur offrir un endroit chaleureux et un bon accueil, d’écouter leurs besoins est extrêmement important. C’est la première phase, celle de la stabilisation. On ne peut intervenir si on ne s’assure pas que la situation est enfin stable. Au début, ce sont généralement les mécanismes de défense qui prédominent. L’action de combattre, ou de fuir, est absolument nécessaire face à une situation de crise. C’est la raison pour laquelle on ne travaille pas encore vraiment sur le traumatisme des réfugiés ukrainiens. Pour eux, la situation de crise est toujours en cours. Une expérience traumatisante prend fin lorsque la personne est en sécurité. Si certaines d’entre elles ont trouvé un peu de stabilité, d’autres sont encore dans une période d’installation, de retour à la normalité. Lorsque vous ne savez pas où est votre maison, que vous ne connaissez pas la langue du nouvel endroit où vous vous trouvez, que vous ne savez pas où manger, vous êtes toujours face à une expérience traumatisante. Jusqu’à ce que ces choses se résolvent, nous ne nous occupons pas encore du traitement du traumatisme, nous laissons le psychisme faire face et nous fournirons tout le soutien et l’appui nécessaires ensuite.
Comment guérir d’un traumatisme ?
En premier lieu, nous accompagnons la personne à se sentir en sécurité et à trouver un équilibre émotionnel et physique. Nous faisons appel à des ressources extérieures, que ce soit dans le domaine social ou des relations personnelles, mais aussi à des ressources intérieures, parce qu’une personne traumatisée n’est plus connectée à ses propres ressources, elle ne sait plus ce qu’elle peut faire. Après cela, des interventions spécifiques sont effectuées sur l’expérience traumatique pour qu’elle soit traitée, et qu’elle soit notamment évacuée sous forme de sensations corporelles. La plupart du temps, le traumatisme est stocké dans le corps. Il se manifeste par des tensions corporelles, des symptômes physiques comme la rigidité du corps. L’art, la danse, le yoga sont de fait très utiles pour combattre ces symptômes. Bien sûr, on agit aussi sur le plan psychologique, au niveau des émotions, des sensations et des images qui doivent être déchargées et traitées, afin que l’esprit comprenne que l’expérience a été surmontée, qu’il est aujourd’hui en sécurité. La prochaine et dernière étape consiste à retrouver un sens plus large à la vie, et à éventuellement tirer une leçon de l’expérience traumatique.
Propos recueillis par Marine Leduc.