Entretien réalisé le jeudi 30 janvier dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Face au changement climatique, l’agriculture dans son ensemble doit être repensée, explique Ștefan Nanu, directeur adjoint de la Station de recherche et de développement pour la culture des plantes dans le sable (SCDCPN) à Dăbuleni, dans le sud de la Roumanie…
Comment envisagez-vous l’agriculture de demain en Roumanie ?
Le réchauffement climatique est une réalité aux conséquences majeures sur l’agriculture, et la Roumanie n’échappe pas à cette tendance. En plein hiver, les températures restent anormalement élevées, jusqu’à 18 degrés au mois de janvier. À cette période, le pays est habituellement recouvert de neige, une ressource essentielle pour reconstituer les réserves en eau des nappes phréatiques. Or, actuellement, les précipitations se font rares, ce qui présage une pénurie d’eau au printemps. Les températures ne cessent de grimper ; 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis 1900. La Roumanie vient de traverser un épisode de sécheresse sans précédent, particulièrement dans le sud, où les sols sablonneux peinent à retenir l’humidité. Et la baisse constante du taux d’humidité de l’air a eu un impact direct sur la nouaison, cette phase cruciale du développement des fruits. Pommes, haricots, pois et autres cultures en ont souffert. Face à ces bouleversements, il devient urgent de repenser notre modèle agricole. La Roumanie, comme de nombreux autres pays, doit adapter ses pratiques pour faire face à cette nouvelle réalité.
D’un côté des inondations, de l’autre la sécheresse, quelles sont les solutions pour rééquilibrer l’écosystème ?
Vu le changement climatique, une transformation radicale des cultures s’impose. Certaines espèces d’arbres et de légumes doivent être remplacées par des variétés hybrides, plus résistantes au stress thermique et hydrique. Il est aussi nécessaire de revoir le calendrier des plantations afin de limiter les pertes liées à la sécheresse et aux fortes chaleurs. Autrefois, avant les années 1990, la Roumanie disposait de terres irriguées, notamment dans le sud, où se trouve la station de recherche de Dăbuleni. Aujourd’hui, le système d’irrigation est hors service. Si le ministère de l’Agriculture a proposé des mesures pour restaurer ces zones, cela ne résout pas le problème de fond. À Dăbuleni, des expérimentations ont déjà été lancées depuis plusieurs années. Des espèces exotiques, comme les dattes, le kiwi, les amandes, le kaki ou encore l’olivier, ont été intégrées à l’assortiment des cultures fruitières traditionnelles. Certaines se sont révélées particulièrement prometteuses. À la station, une parcelle de deux hectares leur est désormais réservée. Des producteurs locaux commencent également à tester ces cultures sur de petites surfaces, preuve de l’intérêt croissant pour ces alternatives. D’autres adaptations sont en cours. Notre haricot traditionnel pourrait être remplacé par une variété d’Afrique centrale, plus résistante à la sécheresse. Quant au maïs, devenu difficile à cultiver en l’absence d’irrigation, il est progressivement supplanté par le sorgho, mieux adapté aux conditions climatiques actuelles. Repenser les cultures passe aussi par une révision du calendrier des semailles et des plantations. Dans certaines régions, la culture des pommes de terre nouvelles s’est considérablement développée grâce aux températures plus clémentes. Autant de changements qui illustrent l’urgence d’une adaptation agricole face au réchauffement climatique.
Quels messages à délivrer aux consommateurs ?
Nous pouvons nous adapter. La sensibilisation au changement climatique doit se poursuivre, et de nombreux efforts sont déjà déployés en ce sens. Les médias et diverses conférences permettent d’informer producteurs et consommateurs sur les défis actuels et les solutions envisageables. Nos résultats sont régulièrement présentés sur les principales chaînes de télévision roumaines, et nous multiplions les interventions médiatiques pour partager nos observations. Des symposiums dédiés à la culture des fruits et légumes sont également organisés, réunissant producteurs, fonctionnaires et représentants des médias locaux. Ces événements offrent une plateforme d’échange essentielle pour partager les connaissances et encourager une adaptation rapide aux nouvelles réalités climatiques. Des solutions accessibles et efficaces existent, et elles sont tout à fait applicables à notre pays.
Propos recueillis par Charlotte Fromenteaud (30/01/25).
Note :
Cet entretien suit un premier échange avec Aurelia Diaconu, directrice de la Station de recherche de Dăbuleni (« Regard, la lettre » du samedi 12 novembre 2022) : https://regard.ro/aurelia-diaconu/