Entretien réalisé le mardi 1er février, réponses reçues par mail et traduites du roumain.
Simion Pop, chercheur en anthropologie sociale, termine un doctorat à l’université d’Europe centrale (Budapest, Vienne). Sa thèse porte sur les mouvements de réforme et de renouveau au sein de l’orthodoxie roumaine…
Dans quelle mesure l’orthodoxie roumaine est-elle diverse ?
L’orthodoxie roumaine n’est effectivement pas monolithe. Très souvent sont confondus le discours public de l’Église orthodoxe roumaine en tant qu’institution, et la réalité sociale, bien plus riche, du christianisme oriental roumain. Celui-ci est constitué d’un réseau extrêmement complexe de communautés, de relations sociales, de pratiques et de rituels qui se rapportent de manières très différentes à ce que nous nommons génériquement « la tradition orthodoxe ». Quant à la façon dont les chrétiens orthodoxes vivent leur appartenance au monde réel et ce que chacun comprend par « Église », là aussi c’est très divers. L’unité et la diversité des Églises orthodoxes représentent une question religieuse et politique complexe.
De là découle l’existence d’espaces religieux intimes également riches et divers ?
Oui, sans aucun doute, il existe en effet une pluralité d’espaces religieux orthodoxes, privés et publics. Malheureusement, on prend souvent comme point de départ une idée fausse, une opposition fixe de type « tradition » versus « modernité ». Sans comprendre que, d’une part, de nombreux traditionalismes fermés sont en réalité le produit de la modernité et que, d’autre part, la tradition orthodoxe pré-moderne est bien plus plurielle et diverse qu’elle n’y paraît. La tradition génère également en son sein des débats et des controverses ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreuses communautés orthodoxes contemporaines vivent au quotidien et perçoivent leur avenir en utilisant des ressources alternatives par rapport à la tradition.
L’orthodoxie roumaine peut être perçue comme répressive concernant la sexualité, qu’en est-il réellement ?
Le christianisme, et ce dans toute sa diversité de confessions et de traditions, a toujours fait preuve d’ambivalence à l’égard de la sexualité, générant bien sûr des formes de répression. Ce qui peut expliquer que la plupart du temps, l’émancipation sexuelle dans la modernité se résume à s’en éloigner. Alors même que le christianisme essaye de s’accommoder d’une sexualité plus permissive et non-répressive. L’orthodoxie ne fait pas exception à ces ambivalences, malgré des particularités. Elle n’est en aucun cas isolée et figée. Malgré une histoire très différente, elle s’est ainsi alliée à des mouvements évangéliques américains pour défendre les valeurs « traditionnelles » de la famille et un certain puritanisme sexuel contre la promotion de l’éducation sexuelle et de la sexualité « non-hétéro-normative ». Cependant, si l’on compare précisément une congrégation pentecôtiste à une paroisse orthodoxe roumaine classique, rurale ou urbaine, on peut observer que le prêtre et la communauté orthodoxe peuvent être davantage permissifs en matière de sexualité que le pasteur et sa communauté. D’un autre côté, le monachisme dans l’orthodoxie s’accompagne de puritanisme sexuel et de pratiques ascétiques, ce qui a une influence énorme sur les communautés orthodoxes. De là un discours public souvent répressif et rigoriste.
Propos recueillis par Benjamin Ribout.