Entretien réalisé le 31 janvier dans la matinée, en roumain et par téléphone (depuis Cluj).
Cristian Coman, chercheur à l’Institut de recherches biologiques (ICB) de Cluj, a travaillé ces dernières années sur la résistance aux antibiotiques – ou « antibiorésistance » –, un phénomène qui pourrait rendre inefficace le traitement de certaines infections…
En quel sens la résistance aux antibiotiques est-elle inquiétante ?
Nous sommes partis du concept de « One health » – Une seule santé, ndlr –, promu par l’OMS (Organisation mondiale de la santé, ndlr) et la Commission européenne, qui souligne que la résistance aux antibiotiques doit être abordée non seulement d’une perspective clinique, quand il s’agit d’un patient atteint d’une infection à des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques, mais aussi d’un point de vue plus complexe, visant également la santé de l’environnement. En tant que biologistes, nous nous sommes donc penchés sur la question de savoir quel était l’impact de l’homme sur l’environnement à cet égard. Dans le cadre de ce vaste projet, nous avons notamment analysé des échantillons d’eau de surface, de la nappe phréatique, de stations de traitement, d’eaux usées provenant d’hôpitaux, ou encore de déjections d’élevages d’animaux. Concernant la nappe phréatique, par exemple, nous avons collecté des échantillons aussi bien dans des agglomérations urbaines que dans des zones rurales, où nous pensions l’impact moindre. Nous avons ainsi découvert qu’il existe des gènes de résistance très forte, qui confèrent une résistance à des antibiotiques cruciaux. En outre, nous avons constaté que nos résultats sur les eaux usées provenant d’hôpitaux et ceux sur la nappe phréatique sont relativement similaires en ce qui concerne la communauté de bactéries, ainsi que l’abondance et la diversité des gènes de résistance aux antibiotiques. Les eaux usées des hôpitaux aboutissent dans une station de traitement où elles sont plus ou moins épurées, atteignent les eaux de surface et finissent dans la nappe phréatique. Or, cette dernière est utilisée par une grande partie de la population pour la consommation, l’arrosage, etc.
D’où vient le problème ? Et la situation est-elle particulièrement grave en Roumanie ?
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette résistance aux antibiotiques qui touche de plus en plus l’homme et l’ensemble de son environnement. L’un des principaux est d’abord la consommation non justifiée d’antibiotiques, mais aussi le fait que parfois on ne suit pas le traitement jusqu’au bout, ou encore que l’on décide, de notre propre chef, d’utiliser des pilules restées au fond d’un tiroir en pensant qu’elles peuvent encore nous guérir d’une infection. La situation est grave partout dans le monde, pas seulement en Roumanie. Et selon plusieurs études, elle est en train de s’aggraver.
Quelles sont les solutions ?
Il faut chercher des solutions adaptées aux spécificités locales. Dans les pays nordiques, par exemple, une campagne de sensibilisation soulignant que la consommation excessive et non justifiée d’antibiotiques cause des problèmes touchant toute la population a permis d’inverser la tendance. Dans les pays d’Europe du sud, il faudrait plus de discipline, qu’il s’agisse des patients, des élevages qui utilisent des antibiotiques sans que cela soit nécessaire, mais aussi de la part des médecins, dont certains prescrivent des antibiotiques sans faire d’antibiogramme au préalable – test biologique de laboratoire permettant de mesurer la résistance bactérienne, ndlr –, ou encore des pharmaciens, qui vendent parfois des antibiotiques sans demander d’ordonnance.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.
Note : Pour plus d’informations, visitez ici la page de l’OMS sur la résistance aux antibiotiques.