Entretien avec Silvia Deaconu, cardiologue à l’hôpital clinique des urgences de Bucarest et membre de la Société européenne de cardiologie…
En tant que médecin, comment jugez-vous l’actuelle campagne de vaccination contre le Covid-19 menée en Roumanie ?
Plutôt positivement, surtout qu’en toile de fond, il y a cette réticence par rapport à un vaccin utilisant une technique complètement nouvelle. Pourtant, le personnel soignant en Roumanie a choisi de se faire vacciner en grand nombre. À l’heure actuelle, le vaccin est l’unique arme que l’humanité détient pour combattre le Covid-19. En tant que médecin, j’ai été impressionnée par cette solidarité dont les scientifiques du monde entier ont fait preuve pour trouver une solution rapide à la pandémie. Quant aux effets indésirables, personnellement, je préfère donner crédit aux fabricants. Le fait de se faire vacciner est un acte de solidarité et de civisme. Car, à force de s’immuniser, on se protège aussi bien soi-même que les autres.
Quelle place occupent les maladies cardiovasculaires parmi les causes de mortalité en Roumanie ?
Malheureusement, elles sont en première position, avec les cancers, notamment les cancers pulmonaires. Une première explication serait le mode de vie sédentaire, la mauvaise alimentation et le tabagisme chez les Roumains, auxquels s’ajoute une politique déficitaire de prévention. À la différence des systèmes sanitaires occidentaux, le nôtre ne privilégie pas les visites médicales de routine. Du coup, les Roumains prennent rendez-vous quand ils sont déjà très malades. Or, soigner coûte plus cher que prévenir. Par ailleurs, submergés par la bureaucratie, les médecins traitants n’arrivent plus à assurer une prise en charge correcte des patients. Aujourd’hui, l’incidence des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées de 30 à 50 ans est beaucoup plus grande qu’avant, notamment dans le cas des hommes sédentaires, fumeurs et en surpoids. À la campagne, les gens sont moins sédentaires qu’en ville, mais ils mangent trop salé et souffrent souvent d’hypertension.
Quels sont vos principaux reproches vis-à-vis du système de santé roumain ?
D’abord, le sous financement (*). Je voudrais disposer de tous les équipements et des médicaments nécessaires à une prise en charge correcte de mes patients afin de ne plus être obligée d’adapter mes traitements à la situation sur le terrain. Après, les hôpitaux publics de Roumanie ne sont pas confortables, ils ne respectent pas l’intimité du malade. À la différence de la France, par exemple, où j’ai fait un stage en 2009, il n’y pas de séparation entre les lits placés en soins intensifs. Or, le confort contribue au processus de guérison. En attendant que des hôpitaux plus modernes soient construits, une solution serait que les systèmes de santé public et privé n’entrent plus en concurrence, et que la Sécurité sociale couvre les services du privé pour les soins coûteux. Enfin, je souhaiterais qu’à l’instar d’autres pays, la Roumanie se dote elle aussi de centres hospitaliers au personnel médical ultraspécialisé dans différents domaines. Il n’y a chez nous que deux centres spécialisés en maladies cardiaques congénitales, qui ne sont pas forcément alignés aux standards internationaux.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.
(*) Ces dernières années, la Roumanie n’a dépensé que 4% de son produit intérieur brut pour la santé. Le gouvernement actuel s’est engagé à augmenter cette part jusqu’à 7%, se rapprochant ainsi de la moyenne au sein de l’Union européenne, ndlr.