Entretien réalisé le samedi 9 avril en fin d’après-midi, par téléphone et en roumain.
Sabina Ulubeanu est compositrice et photographe indépendante, directrice artistique et co-fondatrice du festival bucarestois InnerSound* dédié aux nouveaux talents. Dans cet entretien, elle parle de la musique contemporaine en Roumanie…
Comment composez-vous ? Au hasard des harmonies, des notes qui s’enchaînent ?
J’étais au lycée quand j’ai commencé à composer. Je suis passée par presque tous les courants musicaux classiques avant de trouver mon propre style. Pour composer, j’ai d’abord besoin d’avoir en tête une idée claire de ce que je veux exprimer à travers ma musique, du contexte dans lequel je vais le faire, et du public auquel je m’adresse avant d’opter pour tel ou tel langage musical. Je pense que l’inspiration se trouve partout. Je me suis déjà laissé inspirer aussi bien par une volée d’oiseaux lors d’une randonnée en forêt que par le décès d’un être cher.
* Lancé en 2012 par Sabina Ulubeanu, Diana Rotaru et Cătălin Crețu, tous compositeurs, InnerSound New Arts Festival offre une nouvelle perspective sur la musique contemporaine en la mettant en relation avec les arts visuels. Le festival se veut aussi une plate-forme de promotion des jeunes artistes roumains. Sa dernière édition a eu lieu en 2018, mais Sabina Ulubeanu espère que le festival reprendra bientôt.
Quels sont les principaux défis quand on compose de la musique contemporaine en Roumanie ?
Tout d’abord, il faut faire en sorte que votre composition soit jouée sur scène, devant un public. Et cela passe par des interprètes qui vous font confiance, qui croient en votre musique. C’est ce qui m’est arrivé quand le violoniste Alexandru Tomescu m’a demandé de composer un morceau pour l’une de ses tournées nationales. Un autre moyen censé permettre au compositeur de faire jouer sa musique est de participer à des projets artistiques pluridisciplinaires. Ce fut le cas, par exemple, avec le projet Vocile Unite ale Banatului (Les voix réunies du Banat, ndlr). Fruit d’une collaboration entre l’association de théâtre musical Tan-In de Berlin et l’association de Bucarest Art&Co, et soutenu par le Fonds international de coproduction Goethe, il s’agit d’un spectacle d’une heure et demie qui mélange films documentaires, improvisations musicales et compositions de musique contemporaine dont une grande partie porte ma signature. De façon générale, je souhaiterais que les compositeurs contemporains aient à leur disposition davantage de bourses de création afin qu’ils échappent à la contrainte de créer sous la pression d’un contexte favorable, qu’ils voient leur musique interprétée, et qu’ils puissent avoir le temps de se laisser emporter par leur imagination.
Comment attirer davantage le public jeune vers la musique contemporaine ?
Vous serez surpris, mais les jeunes sont de plus en plus attirés par la musique classique contemporaine qui met en avant une composante fusion très appréciée de nos jours. Finies les sonorités élitistes et savantes, la musique contemporaine actuelle se laisse inspirer par tous les arts et même par d’autres types de musiques, tels le rock ou la pop. Les compositeurs ne vont plus nécessairement recourir à un langage abstrait pour exprimer leurs sentiments. Et la nouvelle génération est très confortable avec les projets pluridisciplinaires.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.