Être journaliste, c’est d’abord observer, écouter et comprendre. Puis transcrire de la façon la plus claire, limpide, honnête et humble ce qu’on a vu et entendu. La noblesse de ce métier, s’il en reste, est là. C’est la liberté à défendre avant toutes les autres : celle d’être simplement journaliste. Au-delà des drames, au-delà de ce récent attentat innommable. Ce n’est pas tant la liberté de s’exprimer qui est en péril, mais l’existence même de la profession. Le foisonnement de subjectivités diffusées par de multiples canaux et sous les formats les plus divers font que le journaliste est en train de se noyer. Et au lieu de reprendre pied, de proposer autre chose, la plupart des médias s’entêtent à suivre aveuglément ce que disent et dictent les petites têtes capricieuses de la Silicon Valley. Qui ne laissent plus le temps. Le temps d’enquêter, de prendre du recul, ni même de se relire. Parce que tout le monde est devenu journaliste, en quelque sorte, et qu’il faut suivre le rythme. Cela a du bon, et du très mauvais. Du bon parce que le citoyen a davantage la possibilité de s’exprimer à n’importe quel moment, les médias traditionnels ne sont plus la seule voix. Et du très mauvais parce qu’une certaine objectivité et une certaine façon d’informer ce même citoyen se perdent. Une façon qui lui permet notamment d’exercer ses différents rôles au sein de la société avec confiance et intégrité. Noyée, la presse ne se vend plus, elle est dénigrée au profit du toujours plus vite et concis. Heureusement, il y a quelques lueurs persistantes. Il reste des lecteurs qui prennent le temps d’acheter un journal ou une revue. Il reste des entités privées ou publiques qui comprennent que leur apport à un média indépendant dans sa ligne éditoriale est également gage de crédibilité pour elles-mêmes. L’indépendance pour la crédibilité. La noblesse du métier de journaliste, s’il en reste, est aussi là.
Laurent Couderc (mars 2015).