Răzvan Penescu, senior manager chez PwC Romania, est également le fondateur de Liternet.ro, un portail de critiques et de recommandations culturelles, ainsi qu’une maison d’édition. Il parle ici de son initiative et de théâtre…
Comment LiterNet s’est-il développé au cours de ses vingt années d’existence ?
Pas à pas, tantôt pour consolider la structure, tantôt pour surprendre notre public. L’image que j’aime utiliser pour LiterNet est celle d’un corail qui pousse, couche après couche, dans des formes toujours plus complexes. À une liste de recommandations culturelles, qui est le noyau du projet initial, j’ai ajouté des chroniques ; à des récits, un texte dramatique, un roman ou une série de photographies conceptuelles. Cette année, nous avons commencé à traduire certains textes en anglais et à réaliser des vidéos d’après une série d’histoires très courtes. Dès le début, j’ai eu une idée claire de la qualité des textes que nous allions publier ; solides et argumentés, mais pas sobres. Nous n’avons pas d’équipe rédactionnelle stable, nous travaillons avec des centaines de collaborateurs actifs, certains d’entre eux sont des contributeurs constants. Et la porte est ouverte à quiconque peut écrire au niveau requis, d’où une grande diversité d’opinions. J’investis aussi beaucoup dans les jeunes, je les jette à l’eau en les accréditant à des festivals, puis je les aide à nager en éditant leurs écrits et en leur faisant découvrir leur propre voix.
Quelle est la pertinence des chroniques de théâtre, que vous affectionnez particulièrement, à une époque où chacun donne son avis sur tout sur les réseaux sociaux ? Comment mettre en évidence de véritables démarches critiques ?
La pertinence est similaire à celle du Festival de Cannes dans un monde où Netflix et YouTube sont à portée de « click ». Par ailleurs, la chronique de théâtre ou de film n’a pas seulement pour rôle d’attirer le public dans les salles. Elle fait ressortir des aspects qui échappent au spectateur moins averti, et place le spectacle dans son contexte. Elle est là pour compléter l’expérience du spectateur, pour lui faire découvrir d’autres perspectives ou bien trouver un sens. Le monde culturel serait plus pauvre sans la critique. Mais afin de mettre davantage en évidence le discours critique, il faut d’abord réunir des personnes ouvertes au dialogue, et créer un environnement pour un débat authentique.
Quelles sont les tendances les plus intéressantes de la scène théâtrale indépendante en Roumanie ?
Depuis un an, avec les espaces culturels fermés et des perspectives floues, la complexité du théâtre non institutionnel a diminué. Ceux qui se sont aventurés sur de nouveaux chemins ont abordé des formes d’art hybrides entre le théâtre et le cinéma, avec des jeux de caméra ou de téléphone portable, avec du montage en direct, etc. Tout se fait dans un contexte de restrictions dues aux mesures sanitaires, et surtout avec des budgets très limités. Ces spectacles sont malheureusement joués quelques fois seulement, sans que les artistes n’aient la possibilité de créer une routine. Dans ces conditions, si la pandémie ne s’éteint pas bientôt, je crains qu’elle laisse un désert derrière elle, au moins dans la culture. Une tendance qui me semble intéressante concerne le théâtre pour enfants ; il y a là une nouvelle niche en train de se développer, avec des ateliers de travail des textes dramatiques impliquant les très jeunes, notamment à partir de leurs propres histoires. Un vrai investissement dans les spectateurs de demain.
Propos recueillis par Matei Martin.