Comment notre santé mentale aura-t-elle été affectée par les périodes d’isolement de ces derniers mois ? Éléments de réponse avec Raluca Petru, psychothérapeute spécialisée en thérapie psychanalytique…
Quels problèmes psychologiques avez-vous observé à cause de la crise sanitaire ?
Les troubles psychologiques provoqués par la pandémie sont très complexes. Une sorte d’anxiété généralisée a touché tous les groupes d’âge, mais les plus exposés ont été et restent les enfants et les personnes âgées pour qui la communication interpersonnelle est extrêmement importante. On a vu chez eux une exacerbation des symptômes dépressifs et d’anxiété. Une étude récente menée par l’Unicef – Fonds des Nations Unies pour l’enfance, ndlr –, en collaboration avec le Conseil national des étudiants, a montré que 17,8% des écoliers, lycéens et étudiants avaient connu plus de dix épisodes dépressifs depuis le début de la crise sanitaire.
Quelles séquelles risquent de perdurer chez ces jeunes ?
Il pourrait y avoir des conséquences au niveau de l’intégration sociale et scolaire, bien que les derniers tests au niveau national se sont révélés moins catastrophiques que prévu. Mais la période aura été très difficile. Les enfants ont besoin de contact physique avec leurs amis, la tablette ne suffit pas. Quant aux adolescents, le manque de socialisation sera tombé au plus mauvais moment de leur développement, précisément quand ils s’interrogent sur leur place au sein de leur entourage et dans le monde, où ils commencent à chercher une voie, un but dans la vie*. Par ailleurs, ils ont remplacé la socialisation dans le milieu physique par une socialisation dans le virtuel, ce qui n’est pas sain. Cela les prive d’aspects essentiels de la communication, notamment au niveau émotionnel. Cette addiction aux écrans est un problème assez compliqué. Car l’homme est un animal social, il a besoin de communiquer, et pendant toute cette période pandémique, le virtuel lui a permis d’échanger, c’était la seule façon de rester en contact avec les autres. Mais cet environnement virtuel séducteur est aussi très traitre, il est crucial de renouer avec les relations en face-à-face. J’en discute beaucoup avec mes collègues, il est urgent de se pencher sur cette addiction qui génère des troubles obsessionnels compulsifs, et d’en définir les termes de façon précise.
* En France, comme dans bien d’autres pays, les services pédo-psychiatriques ont été et restent sous tension : https://www.francetvinfo.fr/sante/enfant-ado/covid-19-les-hospitalisations-en-pedopsychiatrie-ont-explose-de-80_4344365.html
Avez-vous observé davantage de séparations ou de divorces pendant la crise en Roumanie ?
À ma connaissance, il n’existe pas encore de statistiques concernant l’évolution du nombre de divorces pendant la pandémie. De fait, ce que j’ai pu observer ici est que l’isolement a plutôt généré un rapprochement entre les personnes, il a fallu se serrer les coudes, trouver d’autres façons d’interagir, évaluer le rôle de chacun au sein du cercle familial, parfois se remettre en question. Ceci étant, la crise a évidemment provoqué des tensions et des conflits. L’année dernière, on a demandé aux jeunes de ne plus trop sortir afin de protéger les personnes âgées, cela n’a pas aidé les relations intergénérationnelles. Et de façon générale, que ce soit en Roumanie ou ailleurs, il est clair que ces derniers mois ont été très éprouvants psychologiquement pour nombre d’individus. La dépression et les tentatives de suicide ont fortement augmenté parce que nous avons été contraints de nous isoler les uns des autres. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à faire appel à un spécialiste lorsque nous traversons une période si difficile.
Propos recueillis par Olivier Jacques.