Adina Păun est sage-femme, éducatrice prénatale et post-accouchement. Elle est l’une des fondatrices de l’Association des sages-femmes indépendantes (AMI) en Roumanie, et intervient dans les zones rurales en collaboration avec des ONG telles que Salvați Copiii et Centrul FILIA…
Comment la profession de sage-femme est-elle considérée en Roumanie ?
Malheureusement, ce métier ne se développe pas comme il devrait et n’est pas assez promu. Il existe des directives européennes sur le travail de la sage-femme, mais la Roumanie n’a pas adopté de lois qui spécifient son rôle, contrairement à l’infirmière. De plus, le pays n’est pas homogène dans le domaine, étant donné que le ministère de la Santé n’a pas imposé de protocole permettant que tout soit réalisé selon les mêmes règles. À Buzău, par exemple, les sages-femmes travaillent comme en Europe de l’ouest, alors que dans d’autres régions, elles entrent parfois en conflit avec le travail de l’infirmière, et sont souvent mises au second plan. Ce métier est pourtant essentiel en Roumanie, pays où il est fréquent de voir des personnes qui vont à la maternité seulement à l’accouchement, sans être suivies avant. La sage-femme peut, elle, se rendre dans les zones isolées avec des instruments et du matériel légers et faciles à transporter.
Où en est l’accès aux droits reproductifs dans les zones rurales ?
Il est quasi inexistant. Les plannings familiaux se font de plus en plus rares, tandis que l’éducation sexuelle n’est toujours pas enseignée à l’école. Quand ces femmes se retrouvent enceintes et font le choix de ne pas garder leur fœtus, l’avortement est difficilement accessible, encore plus en temps de pandémie où certains hôpitaux ne le pratiquent plus. Parfois, les seuls gynécologues qui le font se trouvent à deux ou trois cents kilomètres. Imaginez une personne pauvre d’un village, si elle doit aller dans un autre département, il faut qu’elle ait suffisamment d’argent pour se payer le bus et l’opération qui n’est pas remboursée, sauf s’il y a malformation du fœtus – soit un coût d’environ 100 euros dans les hôpitaux publics, ndlr. Tout cela dans un temps assez court, parce qu’on ne peut pas trop attendre. C’est un système qui ne laisse pas d’options et qui plonge ces personnes dans une plus grande précarité. Il est urgent de trouver des solutions à l’échelle nationale ; rendre l’IVG médicamenteuse accessible, proposer des stérilets, aller dans les communautés pour informer sur les droits reproductifs. Malheureusement, l’Église orthodoxe roumaine et les politiques proches de l’Église condamnent fermement l’avortement, et n’encouragent ni l’éducation sexuelle ni la contraception.
Quels sont vos retours des tables rondes sur la nouvelle Stratégie nationale de la santé reproductive pour la période 2021-2027 ?
La stratégie est bien équilibrée et traite de tous les aspects importants de la santé reproductive, de l’éducation sexuelle à la règlementation de l’IVG, en passant par le dépistage du cancer, le rôle des sages-femmes, le suivi de la grossesse, l’accès à la contraception… De nombreux acteurs pertinents et importants se sont réunis, que ce soit du côté des ONG ou des décideurs, ce qui est nouveau. Les institutions comprennent les obstacles et sont enfin disposées à trouver des solutions constructives à ces problèmes systémiques qui traînent depuis des décennies. Cela nécessite une vraie planification sur le long terme et une volonté politique forte. Il reste à voir si les autorités auront cette volonté, et alloueront le budget nécessaire pour mener à bien cette nouvelle stratégie.
Propos recueillis par Marine Leduc.