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Entretien réalisé le lundi 14 avril dans la matinée, par téléphone et en roumain.


Après avoir détaillé les effets de l’isolement sur la santé mentale pendant la pandémie*, Raluca Petru, psychologue spécialisée en thérapie psychanalytique, évoque la radicalisation politique dans le contexte actuel…

Qu’est-ce qui rend les Roumains plus fragiles mais aussi plus solides que d’autres peuples européens ?

Nous sommes un peuple tolérant et adaptable. Ce qui, dans la situation présente, est un avantage. De fait, les Roumains sont capables de s’adapter à tout ce que la vie et la situation internationale leur réservent, ce qui n’est pas nécessairement le cas de tous les Européens à l’heure actuelle. Par contre, les Roumains font très souvent preuve d’une grande immaturité. Un peu comme un enfant ayant une mère très gentille et un père très sévère. Conséquence : nos compatriotes sont généralement en quête d’une figure tutélaire forte et capable de les guider. Une tendance qui semble cependant s’imposer un peu partout ; de plus en plus de gens se laissent séduire par des individus, notamment d’extrême droite, s’érigeant en sauveurs. Cela s’est accentué depuis la pandémie lorsque des voix se sont élevées pour condamner l’Europe et le capitalisme, ou se sont laissé convaincre par les théories du complot. Dans notre pays, où le manque d’éducation est criant, surtout dans les zones rurales, ce type de discours a pris beaucoup d’ampleur. L’inconscient est toujours plus puissant que le conscient, et en période de crise, qu’il s’agisse d’une pandémie ou d’une guerre, nous sommes tous plus ou moins à la recherche d’un sauveur. Or, ces mouvements prétendant sauver les gens savent surtout exploiter leurs failles.

* « Regard, la lettre » du samedi 29 mai 2021 : https://regard.ro/raluca-petru/

Pourquoi les jeunes se radicalisent-ils ?

Première chose, l’histoire contemporaine n’est pas correctement étudiée, et l’école roumaine ne favorise pas vraiment l’esprit critique. De plus, nous sommes aujourd’hui confrontés à un problème générationnel. Plus précisément, nous avons une génération de jeunes qui a été élevée avec des valeurs mettant en avant que pour réussir dans la vie, il faut être sérieux à l’école et dans son travail. Or, tout cela a pris du plomb dans l’aile lorsque ces mêmes jeunes réalisent que leur éducation ne leur ouvre pas toutes les portes, loin de là, et qu’ils n’ont pas assez d’argent pour vivre, acheter une maison ou payer un loyer. Le problème s’est encore aggravé ces dernières années à cause de l’inflation. Par ailleurs, la pandémie a quasiment enterré leurs espoirs, et ce dans le monde entier. Ils se sont retrouvés sans repères, dans un contexte mondial angoissant rendant l’avenir incertain. Ce qui explique un certain retour vers les valeurs du passé vues comme plus stables. Malheureusement, cette tendance, couplée à un manque d’éducation et à la recherche d’un sauveur, ainsi qu’au désir de rompre avec les parents, conduit de nombreux jeunes à tomber dans le piège de la radicalisation. D’autant que plus les parents sont stricts, plus l’adolescent aura tendance à prendre ses distances. Un point positif toutefois à souligner : on observe que la situation électorale roumaine inédite a poussé de nombreux enseignants à approfondir davantage l’histoire récente.

Comment la santé mentale des Roumains a-t-elle évolué depuis la pandémie ?

Les problèmes les plus importants constatés après la pandémie ont affecté les enfants de deux, trois ans, lesquels ont été confrontés à l’isolement au moment où ils auraient dû commencer à socialiser. Même chose avec les 14, 15 ans ; la pandémie a coïncidé avec le développement de leur sexualité et de leurs relations avec le sexe opposé. Autre phénomène notable, et qui touche en particulier les hommes : la solitude. Avec d’autres collègues, nous observons un pourcentage élevé d’hommes célibataires. Beaucoup abandonnent même l’idée de rencontrer et d’apprendre à connaître une femme. Et bien qu’ils continuent à vouloir fonder une famille dite « traditionnelle », la plupart ne peuvent plus se permettre, dans la société actuelle, de subvenir aux besoins d’un foyer. Du coup, ils demeurent célibataires, plus qu’auparavant. Internet a également un impact important dans le domaine des relations, donnant le sentiment d’avoir des possibilités illimitées, ce qui est un leurre. Et lorsque les relations interpersonnelles sont altérées, l’empathie diminue et le risque de radicalisation augmente automatiquement.

Propos recueillis par Ioana Stăncescu (14/04/25).

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