Entretien réalisé le vendredi 11 octobre dans la matinée, par téléphone et en roumain (depuis Galaţi).
Professeur en ingénierie des aliments à l’université « Dunărea de Jos » de Galaţi et membre correspondant de l’Académie des sciences agricoles et sylvicoles de Bucarest, Petru Alexe se penche sur la sécurité alimentaire et le bien-être des animaux…
Les aliments que nous consommons aujourd’hui en Roumanie sont-ils plus sains que durant la période communiste ?
La première condition que doit remplir un aliment est celle de l’innocuité, c’est-à-dire de ne pas nuire aux consommateurs. Et l’industrie alimentaire s’attache bien sûr à fournir des produits sains. Il faut aussi préciser que la Roumanie dispose de spécialistes et d’organismes qui veillent à la sécurité alimentaire. Certes, il existe sans doute des aliments qui contiennent certaines substances pouvant devenir toxiques en cas de forte concentration ou de cumulation. Mais les autorités traitent cet aspect avec grande responsabilité et des contrôles sont effectués à tous les niveaux. Sans oublier que, en tant que membre de l’Union européenne, la Roumanie est également soumise aux normes de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Je peux donc vous assurer qu’aujourd’hui les produits alimentaires que nous consommons sont bien plus sains qu’ils ne l’étaient en 1989*.
* En complément, lire notre précédent entretien avec Petru Alexe sur le secteur agro-industriel en Roumanie (« Regard, la lettre » du samedi 10 avril 2021) : https://regard.ro/petru-alexe/
Un autre sujet d’inquiétude est lié aux antibiotiques et hormones qui sont administrés notamment aux volailles. Cette préoccupation est-elle justifiée ?
En effet, certains éleveurs sont avant tout intéressés à obtenir de bons rendements et dans ce but, ils stimulent la croissance des animaux notamment en leur administrant des antibiotiques, ce qui est interdit au sein de l’UE. La loi encadre strictement l’utilisation des antibiotiques, essentiels pour combattre certaines maladies infectieuses, et prévoit des délais précis entre leur administration et l’abattage. Il est ainsi interdit de sacrifier des bêtes ayant récemment ingéré des antibiotiques ou d’autres substances stimulatrices, car des résidus perdurent dans la viande. Ceci étant, le risque est toujours là ; ces substances, même en petites quantités, peuvent avoir des conséquences sur l’organisme des personnes en les rendant elles-mêmes résistantes aux antibiotiques. S’il s’agit d’hormones, les effets peuvent être encore plus dangereux, allant d’un gain de poids à des dérèglements métaboliques. En théorie, les éleveurs respectent ces interdictions, mais certains d’entre eux sont sans scrupules et s’arrangent pour passer entre les mailles du filet.
L’élevage intensif implique également beaucoup de stress pour les animaux…
Cette situation ne date malheureusement pas d’aujourd’hui, car il est impossible d’élever des animaux de façon rentable à moins de le faire dans des conditions intensives. Cela induit de nombreux éléments de stress liés à la nourriture, la lumière, le transport, l’abattage… Des lois ont été adoptées encadrant le transport des animaux, leur repos, la nourriture ou encore le dernier contrôle vétérinaire qui doit être effectué pas plus de trois heures avant l’abattage. Si les animaux sont stressés, notamment pendant la période de l’abattage, la qualité de la viande en souffrira. Bien sûr, le mieux serait de revenir à des fermes traditionnelles ; dans les élevages industriels, pour les volailles notamment, la tendance est de réduire au maximum leur déplacement, tandis que la lumière est allumée en permanence. Leur stress est terrible. On ne peut pas comparer un poulet élevé dans une basse-cour à celui enfermé dans un élevage intensif. Malheureusement, afin d’obtenir de la viande en grandes quantités et bon marché, les éleveurs continuent de pratiquer un élevage intensif peu regardant avec le bien-être des bêtes. En Roumanie comme ailleurs.
Propos recueillis par Mihaela Rodina (11/10/24).