Entretien réalisé le lundi 14 octobre dans la matinée, par mail et en roumain (depuis Houston, États-Unis).
Professeur associé de sciences politiques à l’université de Houston (Texas, États-Unis), Alin Fumurescu fait un premier point sur la situation politique en Roumanie à un mois des prochaines élections parlementaires et présidentielle…
L’alliance entre le PNL (Parti national libéral, ndlr) et le PSD (Parti social-démocrate, ndlr) s’est récemment effondrée. Selon vous, quel est le scénario post-électoral le plus probable ?
Je voudrais tout d’abord clarifier une chose… L’alliance PNL-PSD s’est peut-être effondrée au niveau déclaratif ou politique, mais elle continue d’exercer le pouvoir au niveau gouvernemental. Ce genre de « Au revoir, mais je reste avec toi » affaiblit les velléités de démarcation anti-PSD des dirigeants du PNL, ce qui convient d’ailleurs parfaitement au PSD. Car un PNL plus faible après les élections ne sera pas en mesure d’invoquer les mêmes revendications de « partage équitable » lors d’une éventuelle renégociation post-électorale. Une nouvelle alliance PSD-PNL, scénario tout à fait possible, n’aura pas la même allure. Dans le même temps, un score catastrophique des libéraux aux élections législatives mettrait le PSD dans la position de devoir trouver de nouveaux partenaires pour atteindre le seuil de 50 %, en dehors de l’UDMR (parti de la minorité hongroise, ndlr). Or, quelles sont les alternatives possibles ? Il y en a deux, mais elles sont presque impossibles ; avec l’AUR (parti extrémiste, ndlr) d’une part, ou avec l’USR (Union Sauvez la Roumanie, centre-droit, ndlr) d’autre part. Tout dépendra de la nouvelle configuration du parlement.
De façon inédite, les élections législatives auront lieu entre les deux tours de l’élection présidentielle où pas moins de quatorze candidats se présentent. Ces législatives seront-elles influencées par les résultats du premier tour pour Cotroceni ?*
Sans aucun doute. Les résultats du premier tour influenceront l’enthousiasme des sympathisants de chaque formation. Et une fois de plus, les partis risquent d’être victimes de leurs propres stratégies soi-disant « à succès ». Les attentes et pronostics sont déjà exagérés par chacun d’eux, précisément afin de pousser l’optimisme préélectoral de la population. Mais lorsque ces attentes se révèleront non pas légèrement mais dramatiquement fausses après le premier tour de la présidentielle, la déception s’installera, soit sous la forme d’une abstention pour le vote aux législatives, soit même par un changement d’option politique. Les Roumains, comme tout autre électorat, aiment les gagnants, peu importe qui ils sont et pourquoi ils l’ont emporté. Sur ce point, Machiavel continue d’avoir raison. Après le premier tour de la présidentielle, cette logique s’appliquera aussi au candidat qui était à la traîne dans les sondages mais réalise néanmoins un bon score. Même si ce score est insuffisant pour accéder à la « grande finale », il pourrait être d’une aide importante pour un petit parti comme l’USR. Et je suis persuadé qu’une fois la ligne tracée et les calculs effectués, quelques têtes tomberont.
* Premier tour de la présidentielle : 24 novembre. Élections législatives : 1er décembre. Second tour de la présidentielle : 8 décembre.
Comment le contexte régional pourrait-il influencer le vote des Roumains ?
Malheureusement, je crains qu’il ne l’influence aucunement. Je dis « malheureusement » parce que nous sommes encore prisonniers d’un esprit de clocher. Nous sommes loin de nous rendre compte que la Roumanie est devenue un acteur majeur de l’Union européenne et de l’OTAN. D’autres l’ont compris, nous, pas encore, et ce principalement à cause de notre classe politique. Deux thèmes sont évoqués, presque par réflexe, dans les pseudo-débats télévisés et autres. D’une part, la prévention du danger de l’extrémisme dans l’UE et, d’autre part, la guerre en Ukraine du point de vue de l’OTAN. Dans ces deux cas, les camps sont clairs, incolores, entre les « guerriers de la lumière » et les « guerriers des ténèbres ». Tout dépend de la personne à qui l’on demande qui est qui. Mais du même côté de la barricade, les différences disparaissent complètement.
Propos recueillis par Carmen Constantin (14/10/24).
Note :
En complément, cet article sur l’affaire Șoșoacă, amplement traitée dans la presse : « Diana Șoșoacă, l’extravagante nationaliste pro-russe, écartée de la course à la présidentielle » (publié le 08/10/24 dans le quotidien français Le Figaro).