Petre Datculescu est psychosociologue et directeur de l’Institut roumain de sondage de l’opinion publique (Institut Român pentru Sondarea Opiniei Publice, IRSOP). Il explique ici le contexte démographique de la Roumanie…
Quelles sont les raisons de la baisse de la natalité observée en Roumanie depuis la fin de la période communiste ? La situation s’améliore-t-elle ces dernières années ?
Trois variables sont à l’origine de ce taux de natalité en chute continue : la baisse de la population dans son ensemble, son vieillissement et l’émigration. La baisse du nombre d’habitants est sans doute le point le plus inquiétant. Aujourd’hui, notre pays compte 19 millions d’individus, soit près de quatre millions de moins qu’en 1990. Si cela est principalement dû à l’émigration, la Roumanie a aussi un solde naturel négatif. Cela veut dire qu’il y a moins de naissances que de décès. La situation est inquiétante parce qu’il semble que ce déclin ne puisse plus être stoppé ; même si le taux de natalité remonte actuellement, la population continue de chuter parce que la pyramide des âges s’est détériorée. Concrètement, on estime que la population va se réduire jusqu’en 2070. Dans les conditions actuelles, le problème n’est plus de freiner ce déclin mais plutôt de l’atténuer autant que possible, de faire en sorte qu’il soit plus lent. Cela pourrait déjà être un objectif raisonnable.
Quels facteurs expliquent le solde migratoire négatif de la Roumanie ces trente dernières années ? Le développement économique du pays peut-il inverser cette tendance dans un avenir proche ?
La raison principale est que les gens ont voulu partir pour trouver de meilleures conditions de vie. Pas seulement pour eux, mais aussi pour leurs enfants. À mes yeux, aujourd’hui, le problème le plus sérieux réside dans le manque d’investissements dans l’économie pour créer des postes et des perspectives solides pour la jeunesse. Ces investissements ont été négligés au fil des années, et les gens ont commencé à migrer en quête d’opportunités à l’étranger. Je crois que si ces investissements augmentent, ils pourront permettre de garder ceux qui veulent quitter les campagnes d’une part et, d’autre part, encourager au retour ceux qui sont déjà partis hors de nos frontières. Ce n’est pas un problème démographique, c’est un problème de gouvernance. De bonnes décisions amèneront des investissements et du développement. Et les gens resteront ou reviendront.
La Roumanie n’a pas effectué de recensement de sa population depuis 2011. Pourquoi ?
Je ne connais pas les raisons exactes pour lesquelles cela n’a pas été fait. En théorie, il est prévu qu’un recensement soit réalisé cette année, mais cela ne sera pas possible tant que la pandémie perdurera, il sera donc sans doute repoussé d’une année supplémentaire. Une chose est certaine, notre connaissance de la population roumaine est déficiente. À l’heure actuelle, on ne connaît pas bien les flux de migration interne, nous n’avons pas de données claires au niveau local sur les changements de domicile. C’est encore plus dramatique avec l’émigration à l’étranger ; on ne sait pas exactement combien de Roumains sont partis, combien sont rentrés, combien sont restés. Ces chiffres ne sont pas suffisamment maîtrisés, ni contrôlés par les autorités. Il est vrai aussi qu’une bonne partie de la population ne coopère pas pour donner ces informations. C’est, de fait, un problème très compliqué à résoudre.
Propos recueillis par Sylvain Moreau.