Elle avait besoin d’un nouveau départ et elle l’a eu. L’Union internationale de la presse francophone (UIPF), la plus ancienne association francophone de journalistes, était jusqu’à il y a peu au bord du gouffre, touchée par de graves soucis de gestion. Aujourd’hui, grâce notamment au dynamisme et à l’expérience du journaliste Jean Kouchner, élu secrétaire général international, tout est enfin rentré dans l’ordre. Et du 19 au 23 novembre dernier, l’UIPF a pu tenir ses 43èmes assises à Dakar, au Sénégal. Un événement qui a réuni plus de 200 participants venus du monde entier, et un succès indéniable après quatre jours de conférences et de débats. Thème principal des discussions : « Jeunes et médias : les défis du numérique. » A noter que cette rencontre s’est tenue en marge du 15ème Sommet de la francophonie qui eut lieu du 29 au 30 novembre, toujours à Dakar, et a vu l’élection de la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), succédant à Abdou Diouf, l’ancien président sénégalais.
Que s’est-il dit pendant ces assises ? Comment les intervenants et participants ont-il répondu aux questions et surtout préoccupations qui touchent la presse francophone, et la presse tout court ? Regard, présent sur l’ensemble des débats, a recueilli quelques réflexions.
Abdelmounaïm Dilami (Maroc), journaliste et patron de presse : « Avec les agrégateurs de contenu, le plus important étant Google, la publicité sur Internet a beaucoup moins besoin de passer par les plateformes médias. »
Khalil Hachimi Idrissi (Maroc), directeur général de l’Agence marocaine de presse (MAP) : « A un moment donné, il faudra que les agrégateurs de contenu contribuent, payent pour la création de l’information. »
Cédric Kalonji (Congo), spécialiste des nouveaux médias : « En Afrique, le blogueur répond à un besoin, quand certains journalistes occidentaux restent à l’hôtel. »
Jean Kouchner (France), journaliste, secrétaire général international de l’UIPF : « La moindre des choses est d’accepter les critiques des citoyens. (…) Et à l’UIPF, notre souci est précisément de renouer avec des principes de base : indépendance, liberté, transparence.»
Florent de Rocca Serra (Suisse), chargé du développement des opérations africaines et asiatiques du groupe média Ringier : « Nous essayons de trouver d’autres types de financement, l’e-commerce, les petites annonces, la vente de contenus spécialisés. »
Bertrand Pecquerie (France), directeur du réseau mondial des rédacteurs en chef « Global editors network » (GEN) : « Pour les médias dans leur ensemble, le « data journalism« , ou journalisme de données, est un nouveau continent à explorer, une opportunité extraordinaire. » Ndlr : le « data journalism » consiste à rendre intelligible une quantité importante de données grâce au travail en commun de développeurs, journalistes et graphistes.
Eric Leclerc (France), directeur des activités numériques du groupe Le Parisien : « Au sein de notre rédaction, une équipe a été spécialement constituée pour faire du « data journalism« et proposer une nouvelle sorte de contenu, très graphique, expliquant des données en « open source« (c’est-à-dire publiques, ndlr) impossibles à digérer sans un traitement poussé (…). Il s’agit d’un nouveau produit journalistique à forte valeur ajoutée. »
Jazem Halloui (Tunisie), directeur général de Innova Tunisia, membre fondateur du groupe militant pour la transparence et la démocratie en Tunisie OpenGovTN : « Le « data journalism » est aussi un moyen de résoudre le problème de « l’infotoxication« (la profusion des informations, ndlr). »
Tidiane Dioh (France), fonctionnaire international, responsable des programmes médias à l’OIF : « Si l’information est bien faite, elle sera toujours achetée. (…) Ceci étant, il y a trop peu de financements pour les médias francophones par rapport à d’autres médias. »
Benoît Califano (France), directeur de ESJ Pro Montpellier, l’antenne méditerranéenne de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille : « Désormais, nous proposons de la formation en alternance afin de diversifier l’origine sociale des journalistes. (…) Nous croyons par ailleurs à la synergie entre les écoles de journalisme, d’informatique et de business, car il faut créer des incubateurs. »
Cécile Mégie (France), directrice de Radio France Internationale : « La rapidité de l’information ne doit pas nous faire oublier la fidélité à l’information. (…) On s’adresse d’abord à un public citoyen, et non pas à des consommateurs. »
Laurent Couderc à Dakar (décembre 2014).