Quelle est la situation énergétique de la Roumanie ? Éléments de réponse avec Otilia Nuțu, spécialiste du secteur de l’énergie au think tank Expert Forum…
Il y a de sérieux problèmes de chauffage dans de nombreux quartiers à Bucarest. L’hiver prochain s’annonce-t-il meilleur ?
Tout dépendra de la bonne marche des travaux de réhabilitation. Cette année, environ 53 kilomètres de réseau de chaleur devraient être réparés grâce à un apport de la mairie, des prêts, et éventuellement un soutien du budget central. Au total, cinq segments seront réparés, de 8 à 13 kilomètres chacun. Leur rôle est très important, ils font partie des infrastructures reliant les centrales électriques thermiques aux différentes zones de Bucarest. Si un problème surgit dans un quartier, il doit pouvoir être résolu par l’énergie fournie via la centrale électrique thermique d’un autre quartier. Mais ce n’est qu’en 2022 que nous pourrons envisager de grands travaux grâce à des fonds européens, soit 210 kilomètres de réseau de chaleur nouveau d’ici fin 2023. Par ailleurs, la capitale a des soucis avec ses centrales électriques thermiques construites dans les années 1960 et 1970, elles doivent être remplacées ou modernisées. En outre, deux centrales électriques thermiques ont été fermées dans le nord et l’est de la ville. Du coup, on est obligé d’acheminer l’énergie vers ces zones depuis le sud de la ville.
Qu’en est-il des progrès dans les énergies renouvelables ?
La Roumanie essaie toujours de maintenir ses centrales à charbon, sans les moderniser ni les remplacer par des technologies plus modernes. D’un autre côté, nous misons fortement sur l’hydroélectrique en se vantant que cette énergie qualifiée de « verte » soit devenue une part importante de notre mix énergétique*, mais cela ne suffit pas. Pour ce type de production, la Roumanie avait atteint ses objectifs dès 2015. Depuis, les autorités n’ont pas jugé utiles d’investir dans d’autres sources d’énergie renouvelable. Par ailleurs, Transelectrica – l’opérateur national de transport d’électricité, ndlr – invoque la stratégie gouvernementale pour se décharger de nouveaux investissements. Cette stratégie propose une nouvelle centrale hydroélectrique au niveau du lac de Tarnița, dans la région de Cluj, et de construire les réacteurs 3 et 4 de la centrale nucléaire de Cernavodă, ce qui génèrera de très grandes capacités de production. Pour Transelectrica, se connecter à de nouvelles sources d’énergie, notamment renouvelable, ne serait donc pas nécessaire. Mais son argument ne tient pas, d’autant que nos importations d’énergie ont fortement augmenté ces dernières années et que nous subissons une hausse des prix.
* Le mix énergétique, ou bouquet énergétique, est la répartition des différentes sources d’énergies primaires consommées au sein d’une zone géographique donnée, ndlr.
Quels sont les autres projets ?
On parle depuis longtemps de l’exploitation des réserves de gaz de la mer Noire, sans que rien ne se passe, car la législation ne garantit pas aux investisseurs qu’ils ne seront pas obligés de payer des taxes prohibitives, ou qu’ils pourront vendre de l’énergie sur d’autres marchés que le marché roumain. Certes, il est positif d’avoir connecté nos réseaux de gaz à travers des projets tels que le BRUA – réseau commun de transport de gaz entre la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche, ndlr. Mais le reste de l’Europe compte plutôt abandonner le gaz classique et construire des réseaux permettant le transport de gaz dit « verts », tels que l’hydrogène ou le biogaz. Quant à l’électricité, il existe de nombreux projets sur le papier, mais tous sont retardés. Auparavant, la Roumanie était un exportateur net d’énergie. Or, au cours des deux, trois dernières années, le pays est devenu un importateur net. Aucun grand investissement n’a été réalisé depuis 2016. Résultat, le prix de l’énergie est en augmentation constante, le flux s’effectue en direction de la Roumanie, et non l’inverse. Surtout, nos infrastructures sont trop vieilles, alors que les choses ont beaucoup changé. Aujourd’hui, le profil de consommation est complètement différent, la seule production intensive n’est plus de mise, il s’agit désormais de mieux répondre à la consommation des ménages, et à l’électromobilité.* Il y a un déficit majeur de projets à ce niveau-là. Enfin, il devient de plus en plus difficile d’avoir des capacités de production principalement situées en Dobrogea, tandis que la consommation se fait principalement à Bucarest et dans l’ouest du pays.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
* L’électromobilité est la capacité pour des personnes ou des objets à se déplacer via un moyen de transport utilisant de l’énergie électrique, ndlr.