Entretien réalisé le lundi 12 septembre dans la soirée, par mail et en roumain.
Monica Mocanu est professeur de mathématiques à Buzău. Elle coordonne Teleskop, une application permettant aux enseignants dans les lycées de recevoir les impressions des élèves de façon anonyme après les heures de classe…
De nouvelles lois sur l’éducation devraient être mises en place à partir de 2023.* Qu’en pensez-vous ?
Pour le cycle pré-universitaire, j’aurais préféré des dispositions plus ponctuelles, plus claires, et plus faciles à mettre en place. Le nouveau projet de lois aurait dû offrir un cadre général plus visionnaire, de confiance et de bonne fonctionnalité. Or, les changements proposés manquent à tous ces objectifs. J’enseigne les mathématiques dans deux lycées en milieu urbain. Mes élèves sont pour la plupart entraînés à se concentrer sur les matières dites importantes, mais ils ne ressentent aucune joie à se rendre en classe. Pour eux, l’école ne représente pas une voie vers l’autonomie et l’équilibre. Pourtant, je les trouve plutôt confiants, ils font preuve d’une extraordinaire résilience. Nos élèves sont meilleurs que le système qu’on leur propose. Un exemple, la surcharge des devoirs à faire à la maison… Il y a quelques années, le ministère de l’Éducation avait décidé de la réglementer, sans succès. Sans parler des cours privés. Personnellement, je suis pour un système éducatif plus adapté à chaque élève, et moins centré sur les meilleurs éléments. Il faudrait aussi que les parents privilégient davantage la santé et le bien-être de leurs enfants plutôt que la performance scolaire à tout prix.
* Principales réformes proposées pour l’enseignement pré-universitaire (en roumain) après la clôture du débat public fin août.
Vous avez des solutions ?
Selon moi, le plus grand souci de notre système éducatif est que les enseignants ne s’occupent pas de tous les élèves de façon équitable. Encore une fois, la plupart du temps ils ne s’intéressent qu’aux meilleurs. C’est la conséquence, en partie, de classes surchargées ; trop d’élèves deviennent invisibles pour des professeurs qui en viennent à les négliger. Une solution serait, par exemple, le changement périodique des enseignants pour chaque classe, qu’il y ait davantage de rotation. Ainsi que la mise en place d’une évaluation externe des élèves. Il faudrait aussi encourager les écoles à obtenir plus de retour vis-à-vis de l’enseignement proposé, et à intégrer ces appréciations de façon unitaire. C’est d’ailleurs ce que la plate-forme Teleskop se propose de faire. Il s’agit d’un instrument numérique que les professeurs peuvent utiliser gratuitement pour obtenir, à la fin des cours, un retour de la part des élèves.
Cela ne va-t-il pas mettre davantage de pression sur les enseignants ?
L’application n’a pas été pensée pour mettre de la pression, mais pour aider les professeurs afin qu’ils puissent s’adapter davantage aux besoins de chaque élève. Autre chose… À mon sens, il faudrait un dialogue plus soutenu entre les enseignants et les conseillers d’éducation ; nombre de professeurs se sentent isolés et mal à l’aise dans les salles de classe. Certains font d’ailleurs appel à des ONG indépendantes pour améliorer leur façon d’enseigner. C’est bien, mais je pense aussi qu’il faut y faire attention. On ne peut pas financer toutes sortes de formations dont l’impact en classe n’est pas certain. Enfin, je supprimerais les hiérarchies et simplifierais les modalités de sortie du système pour ceux qui souhaitent le quitter. Et j’engagerais des directeurs de collège et de lycée courageux, défenseurs des valeurs démocratiques.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.