Mihai Vasile est sommelier, critique de vin et fondateur de Vin Magazin. Il livre ici son point de vue sur le marché du vin en Roumanie…
Pourquoi les vins de garde se font plutôt rares en Roumanie ?
Tout d’abord, il convient de préciser que partout dans le monde, le pourcentage des vins de garde, c’est-à-dire qui se bonifient à force de vieillir, est faible. Le vin est un organisme vivant qui finit par s’oxyder. Du coup, plus que son potentiel de vieillissement, c’est la note accordée par les critiques internationaux qui fait la différence. Et à ce niveau, la Roumanie recense une bonne dizaine de vins exceptionnels qu’on peut faire vieillir entre dix et quinze ans. Par exemple, les rouges Davino Rezerva et Davino Flamboyant, le rouge Prince Matei, les vins des domaines 1000 de Chipuri, ou Basilescu. En revanche, on se heurte à quelques inconvénients locaux qui nous maintiennent derrière les grands pays producteurs de vin. En premier lieu, nous pâtissons d’un sol souvent trop fertile, de type tchernoziom, qui n’est pas propice à la culture de la vigne. Ensuite, on peut déplorer l’absence d’une véritable formation en œnologie et une concurrence très faible ; il y a 300 producteurs autorisés en Roumanie pour une superficie de 200 000 hectares, à la différence de 6500 en Autriche sur 20 000 hectares, ou de 27 000 producteurs en France. Or, la concurrence encourage le progrès. D’ailleurs, il n’est pas normal que la Roumanie n’ait enregistré aucune grande faillite dans le secteur tout au long de ces vingt dernières années. Et pour finir, les importations sont à la hausse, tandis que les exportations ne représentent que 2 à 4% du total de la production. Le vin roumain manque de notoriété, mais il est aussi trop cher pour la qualité proposée. Quant au consommateur roumain, il n’a en général ni prétentions, ni attentes.
Quels ont été les progrès réalisés récemment ?
Malgré la situation que je viens de vous décrire, la Roumanie a fait des progrès importants ces vingt dernières années. Dans les années 2000, à la campagne, les villageois produisaient leur propre vin à partir de toutes sortes de cépages hybrides, en le qualifiant par la suite de naturel. Rien de plus faux. Mais à la différence d’autres secteurs, la viticulture a rapidement absorbé des fonds européens. De nouvelles caves ont été ouvertes, les domaines se sont dotés de technologies de pointe, on a planté des variétés de vigne résistantes aux maladies et au gel, et des professionnels roumains ont fait des stages auprès de vignerons français ou italiens, en mettant à profit leurs acquis.
Comment voyez-vous l’évolution des cépages roumains sur le marché national et international ?
Negru de Drăgășani, Fetească Neagră, Băbească Neagră, Novac et Cadarcă, voilà les rouges autochtones les plus appréciés aussi bien par les Roumains que par les étrangers. Pour les blancs, je mentionnerais Fetească Alba et Regală, Grasa et Tămâioasa Românească, Zghihară, Furmint, et le Riesling Italian qui est, malgré son nom, un cépage local. Le journal du vin sans doute le plus célèbre au monde, Robert Parker’s Wine Advocate, dont le système de notation va de 50 à 100 points, vient de donner au Cabernet Soare de chez Vinarte 93 points. Un succès ! Enfin, on peut relever que la consommation de vin pétillant en Roumanie a été multipliée par cinq ces quatre dernières années.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.