Entretien réalisé le lundi 10 avril dans l’après-midi, en roumain et par téléphone (depuis Brăila).
Professeur de géographie et organisatrice passionnée de visites guidées de Brăila, Mihaela Roşu décrit une ville empreinte de poésie, en passe de reprendre des couleurs grâce à des initiatives privées et publiques...
En quoi consiste la richesse de Brăila ?
Brăila s’est développée dans la plaine du Bărăgan au contact du Danube, devenant vers la fin du 19ème siècle une ville florissante et le plus grand port de Valachie utilisé pour l’exportation de céréales. La ville a été le creuset d’une vingtaine de nationalités qui ont laissé leur empreinte sur son architecture. Après les deux Guerres mondiales, le rouleau compresseur communiste a mené à la nationalisation de bâtiments fabuleux, qui ont miraculeusement réchappé aux bulldozers du régime. Nous avons l’un des patrimoines les plus riches de l’espace extra-carpatique, s’étalant sur 140 hectares. Malheureusement, qu’ils appartiennent à des personnes privées ou à des institutions publiques, la plupart de ces édifices sont en ruine, ils n’ont jamais été restaurés ou au moins rénovés. Or, nombre de ces bâtisses ont une histoire, les voir dans cet état est très triste pour les touristes ou les flâneurs qui arpentent les ruelles de Brăila.
Y a-t-il des chances que cela change ?
Oui, les choses bougent, mais timidement. La mairie, qui a recensé 8872 maisons dont les façades devraient être ravalées, a commencé à infliger des amendes aux propriétaires qui ne le font pas. Il y a aussi d’autres signes encourageants, on sent un souffle nouveau, particulièrement dans le centre historique. Exemple, la maison Popeea, un joyaux art nouveau avec une longue histoire, qui a été transformée en boutique hôtel, une vraie merveille. Non loin de là, dans la même rue, un deuxième bâtiment historique suivra son exemple, tandis que sur le bord du Danube, un complexe touristique est en construction. Autre facteur ayant donné un coup de pouce au développement de la ville, le chantier du nouveau pont sur le Danube qui devrait être achevé à la fin de l’année. Le réseau routier tout autour doit aussi être modernisé. Les autorités ont donc commencé à s’activer, surtout sous la pression de la société civile.
Quid de la vie culturelle ?
Elle y est très riche, je pense notamment au musée Carol Ier fondé en 1881, et qui compte huit succursales à travers la ville. Il faut ensuite mentionner le théâtre Maria Filotti – comédienne et directrice de théâtre (1883-1956), ndlr –, un joyau qui date de 1849, agrandi et rénové, et qui abrite aujourd’hui trois salles de spectacle. Autre point d’attraction, le musée Panaït Istrati aménagé dans la maison du jardinier qui s’occupait du jardin public de la ville, et où l’on peut voir de nombreux objets ayant appartenu à l’écrivain décrit comme le Maxime Gorki roumain. Brăila accueille aussi de nombreux festivals, comme celui consacré chaque année à l’écrivain d’origine juive Mihail Sebastian (1907-1945, ndlr), qui y est né, et qui rassemble de prestigieuses troupes de théâtre, le festival de la lavande, ou encore un concours international de chant portant le nom de la soprano Hariclea Darclée (1860-1939, ndlr), elle aussi originaire de la ville.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.