Entretien réalisé le jeudi 21 avril, par mail et en français.
Nouvelle discussion avec Silvia Marton, maître de conférences en sciences politiques à l’Université de Bucarest, sur la situation des partis politiques en Roumanie…
Quel avenir voyez-vous pour le PNL et USR* ?
La fracture entre le PNL et USR est très grande, il s’agit d’une division structurelle. Si tous les deux se définissent de droite, ils sont concurrents, ce ne sont pas des alliés naturels. Le PNL est aujourd’hui exclusivement concentré sur son alliance avec le PSD ; il a d’ailleurs dû changer son personnel politique et plusieurs de ses dirigeants précisément pour construire et maintenir cette alliance. De fait, le PNL et le PSD ont un projet en commun, à savoir poursuivre leur coopération après 2024, grande année électorale avec des scrutins législatifs, présidentiel et locaux. Les deux autres principaux partis parlementaires, USR et AUR, n’ont pas de potentiel de coalition, ce qui évidemment facilite le projet commun du PNL et du PSD. USR est un partenaire trop difficile, et fragile, tandis qu’AUR est considéré comme non fréquentable. Par ailleurs, l’identité politique d’USR reste assez ambiguë, il lui est difficile de se réinventer en tant que parti anti-système après avoir été membre d’une coalition gouvernementale et d’en avoir été éliminé. De plus, USR n’a pas d’alliés, or tout gouvernement dans la Roumanie actuelle se doit d’être un gouvernement de coalition. De ce point de vue, USR est tout aussi isolé qu’AUR.
* Sur les partis mentionnés dans cet entretien :
PNL : Parti national libéral, centre-droit / USR : Union Sauvez la Roumanie, centre-droit / PSD : Parti social-démocrate, actuellement au pouvoir, en alliance avec le PNL / AUR : Alliance pour l’Union des Roumains, formation nationaliste et traditionaliste qui revendique notamment l’union de la Roumanie avec la République de Moldavie.
Des voix commencent-elles à proposer une alternative politique nouvelle prenant en compte les grands défis européens et mondiaux en termes d’environnement et d’équité sociale ?
Il y a très peu d’effort politique en ce sens. La question environnementale est marginale dans le discours et les décisions politiques du PSD et du PNL. USR non plus n’est pas très loquace sur ce sujet. Quant à la question de l’équité sociale, elle est la grande absente du débat politique et public roumain. Même si au sein du gouvernement, c’est par la voix de Marcel Ciolacu, le président du PSD, que les politiques sociales sont annoncées. En ce sens, il agit comme un chef du gouvernement de facto.
Comment faire pour renouer le lien entre les Roumains et les dirigeants politiques ?
Les deux grands partis au pouvoir, le PNL et le PSD, promettent de la stabilité politique et décisionnelle, quitte à amoindrir les débats et la vitalité démocratique. Et ils continuent à ne pas se différencier sur le terrain idéologique, aucun des deux n’explique sa vision sur la société, le développement du pays, l’avenir… D’un autre côté, ces derniers mois, la militarisation de la décision publique est devenue très visible, accentuée, certes, par la pandémie et la guerre en Ukraine, mais vivement souhaitée aussi par les deux partis et leur entourage. Cette tendance renforce paradoxalement le lien entre les citoyens, la prise de décision politique et le gouvernement. De fait, si l’on se fie aux derniers sondages, les scores du PNL et du PSD sont en légère hausse.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
À lire ou à relire, notre précédent entretien avec Silvia Marton sur la situation politique en Roumanie (« Regard, la lettre » du 20 novembre 2021) : https://regard.ro/silvia-marton-2/