Avec plusieurs architectes et activistes, l’ingénieur Matei Sumbasacu tente de sauvegarder la plus ancienne raffinerie de Roumanie, à Câmpina (département de Prahova). Éclairage…
Des centaines d’anciennes usines et installations industrielles dépassées du point de vue technologique ou en situation de faillite risquent de disparaître en Roumanie. Souvent, le terrain sur lequel elles sont construites vaut davantage que la construction elle-même. Quelle est la situation à Câmpina ?
Lors de son inauguration en 1895, la raffinerie « Steaua Română » de Câmpina était l’une des plus avancées de son époque, et ce au niveau mondial. Une vraie merveille de technologie. Elle a fait beaucoup pour la ville qui a vu sa population croître de plus de dix fois en un siècle ; et pour l’économie du pays, qui est devenu un acteur important dans le secteur pétrolier. Objectif stratégique lors de la Seconde Guerre mondiale, elle a survécu aux bombardements et a résisté à deux séismes majeurs. Pendant la période communiste, la raffinerie a pu se maintenir. Puis, à partir des années 1990, elle a changé de mains à plusieurs reprises. Et aujourd’hui, en faillite depuis dix ans et sans perspective économique, les propriétaires actuels sont sur le point de vendre les actifs de la société. Ils espèrent surtout obtenir un bon prix pour le terrain, alors que la valeur historique et patrimoniale des installations est complètement négligée.
Précisément, comment mesurer cette valeur ?
Le potentiel est énorme. Il y a des constructions de bonne qualité architecturale et de grande valeur historique ou technique, ainsi que des immeubles qui pourraient être reconvertis pour accueillir de nouvelles activités. Dans une lettre ouverte, nous demandons aux propriétaires et aux autorités de faire un inventaire complet et une évaluation minutieuse du patrimoine de « Steaua Română » avant toute démarche de vente du terrain. Il faudrait aussi faire une étude sur les possibilités de reconversion de ces bâtiments. Et, surtout, conserver ceux qui ont de la valeur en termes de patrimoine national.
Quelles solutions proposez-vous afin de préserver l’ensemble ?
Un musée technique est toujours une possibilité, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée dans ce cas précis. De fait, classer un monument historique n’est pas toujours la mesure la plus adéquate pour le protéger. Je soutiendrais plutôt un dialogue entre les propriétaires, les autorités et la communauté locale afin de trouver des solutions négociées. À mon sens, il faudrait restituer ce bout d’histoire à la communauté, offrir un sens à ces murs, donner un avenir à l’histoire. Plus de 120 ans après sa construction, la raffinerie pourrait mettre la ville de Câmpina sur la carte de l’Europe pour une deuxième fois, avec un grand projet de reconversion du patrimoine et une restitution au public, et ce de manière participative. Il y a déjà une petite communauté qui se mobilise pour trouver les bonnes solutions et réactiver la société et l’économie locales. Câmpina a besoin d’espoir pour redevenir une ville d’où l’on n’a plus besoin de partir pour gagner sa vie. La raffinerie « Steaua Română » pourrait être cette étincelle.
Propos recueillis par Matei Martin.