Entretien réalisé le vendredi 23 septembre dans la matinée, en roumain et par téléphone.
Marian Patrascu, président de la filiale bucarestoise de l’Association des apiculteurs roumains, évoque les défis pour ce secteur et ses « travailleuses », dans un pays figurant parmi les premiers producteurs de miel en Europe…
Comment décririez-vous la situation de ces derniers mois pour les apiculteurs roumains et leur quelque 1,8 million de familles d’abeilles ?
Les changements climatiques sont ressentis par toute la société, et l’apiculture n’est pas épargnée. Les modifications climatiques génèrent des problèmes année après année ; l’hiver dernier, tout comme les précédents, a été marqué par l’absence de précipitations et par des températures inhabituellement élevées, suivies d’épisodes de froid en mars. Les familles d’abeilles ont été trompées par la chaleur de février, et ont commencé leur activité précocement. Ensuite, les pluies qui ont frappé le sud du pays en mai ont compromis les fleurs d’acacia tandis que la canicule de l’été a beaucoup touché les fleurs des tilleuls, dont le pollen est devenu toxique pour les abeilles. Du coup, la production de miel en 2022 sera d’environ 50% inférieure à la moyenne multi-annuelle, même si des exceptions ont été enregistrées dans des zones où la météo a été plus clémente.
Outre les aléas climatiques, les pesticides et insecticides représentent-ils une menace pour les abeilles ?
L’utilisation de substances chimiques pour doper la production agricole pose en effet un énorme problème, même si l’on prétend que les pesticides ne seraient pas létaux pour les abeilles. En réalité, il s’agit d’un mix de substances qui, même en quantités limitées, créent un cocktail nuisible. Au lieu de remercier les abeilles pour leur pollinisation, les agriculteurs utilisent des traitements insecticides qui tuent le pollinisateur, alors qu’ils pourraient faire appel à des substances moins pernicieuses, mais sans doute plus chères. Il est dommage que la cupidité de certains provoque des pertes pour la société dans son ensemble.
Vous représentez les apiculteurs de Bucarest, la capitale produit-elle du miel ?
Absolument, le miel pourrait d’ailleurs devenir une marque pour Bucarest. La capitale et ses alentours comptent plusieurs milliers d’apiculteurs qui produisent du très bon miel, en dépit d’une décision du conseil municipal datant de 2010 interdisant cette activité – une décision qui a effectivement du mal à être appliquée, ndlr. Les abeilles prospèrent à Bucarest grâce à ses parcs et ses jardins, où les fleurs sont arrosées et renouvelées régulièrement. Les gens doivent comprendre que sans abeilles, il n’y a pas de pollinisation, donc pas de fructification, et que la vie disparaîtra petit à petit si l’on continue à ignorer ce processus. Malheureusement, la perception générale est que les abeilles représentent une menace, ce qui est faux car elles font leur boulot discrètement, et nous offrent des fruits et des légumes. Au lieu de les remercier, nous leur faisons du mal, par ignorance le plus souvent. Notre association a d’ailleurs mis en place une équipe de volontaires baptisée « Patrula apicolă urbană » (la patrouille apicole urbaine, ndlr) qui intervient lorsque des abeilles sont en danger. À ce jour, nous avons reçu une centaine de sollicitations. N’oublions pas que l’abeille a été proclamée l’être le plus important de la planète par l’ONG Earthwatch Institute. Son absence rendrait impossible la vie de l’homme sur terre.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.