Entretien réalisé le vendredi 6 mai en milieu de journée, en roumain et par téléphone.
La question de l’implication des jeunes dans la société est cruciale en Roumanie. Marian Dămoc parle de ce qui a été réalisé dans sa ville natale de Bacău où il a créé l’ONG Romanian Youth Movement for Democracy…
Comment avez-vous décidé de vous consacrer aux questions de démocratie participative et de civisme ?
L’association a été créée en 2010. À l’époque, personne ne comprenait vraiment les raisons d’œuvrer à ce que les jeunes s’impliquent dans les processus décisionnels locaux, et dans leur communauté de manière générale. Le bénévolat était aussi très marginal. De mon côté, j’avais goûté à ces pratiques du côté de Cluj où j’ai étudié les sciences politiques. J’étais convaincu qu’il fallait stimuler la jeunesse de ma ville d’origine ; à défaut, rien n’allait jamais changer et nous allions assister encore et toujours aux départs de ces jeunes à l’étranger. Nous nous sommes lancés bille en tête d’abord en poussant les gens à réclamer des comptes à leurs élus. Et il y a eu quelques réussites : nous avons ainsi obtenu que les élus organisent des tables rondes sur les questions budgétaires pour en débattre avec les citoyens. Mais aussi que chacun de ces élus présente annuellement un rapport d’activité sur ce qu’il a fait ; cela ne s’était jamais produit, même si la loi les y oblige, en théorie. Tout cela afin d’accoutumer les habitants à la transparence. C’est ça la normalité, et on y tend petit à petit. Désormais, l’intérêt pour les choses de la cité se ressent, et nos élus s’activent davantage.
Êtes-vous parvenus à motiver la jeunesse dans cette logique de contre-pouvoir ?
À l’époque, nous n’avions pas forcément conscience d’être un contre-pouvoir. Mais aujourd’hui, avec le recul, je pense que c’est le cas. Notre action a permis que la jeunesse puisse se faire entendre. Et le fait d’être connus des autorités nous a permis de faire passer certains projets auxquels les jeunes aspiraient, comme la mise en place de bibliothèques de rue à Bacău. Sans cela, ils n’auraient jamais pu contourner la lourdeur bureaucratique. Notre cheminement en tant qu’ONG nous a aussi amenés à privilégier l’éducation, et à nous tourner de plus en plus vers le milieu rural où vivent 60% des jeunes du département. Pour avoir des citoyens impliqués et exigeants vis-à-vis des politiques, il faut agir en profondeur via l’éducation. C’est moins visible que de taper sur les autorités mais c’est le plus important. Il faut faire en sorte qu’à terme, les gens s’impliquent civiquement sans que quelqu’un ne leur dise de le faire, sans campagne ou autre, voilà l’idéal vers quoi nous devons tendre. C’est cela être citoyen.
N’est-ce pas surtout à l’État de s’en occuper ?
Bien sûr, mais comme il ne le fait pas, ce sont les ONG qui s’y collent jusqu’à ce que cela change. En ce moment, nous déroulons un projet « TACT » (Tineri Activi Pentru Comunitate/jeunes actifs pour la communauté, ndlr) dans quatre communes du département, auprès de collégiens et lycéens. Nous leur apprenons à travailler en équipe et à aiguiser leur sens critique pour être moins manipulables, une sorte d’éducation aux médias. Derrière, ils doivent mettre en place une campagne de sensibilisation autour d’un problème de leur choix dans leur communauté pour ensuite s’adresser aux autorités. Nous essayons également de monter un centre à Bacău qui proposera des activités toute l’année, notamment pour tous ces jeunes des campagnes dont le collège est en ville. L’abandon scolaire est un véritable fléau dans notre région. Un centre permettrait de les cadrer et de les suivre. Comment parler de civisme et d’implication dans la société quand vous avez un abandon scolaire à deux chiffres…
Propos recueillis par Benjamin Ribout.