Il est de loin le maire le plus controversé de Roumanie. Et l’une des personnalités les plus exposées médiatiquement. Le maire de Constanţa l’estivale, Radu Mazăre, est la figure haute en couleurs de la ville, mais aussi l’un de ses gros points noirs.
Il suffit de taper son nom sur Google… Au choix, cascadeur pour un show room aux côtés d’une grosse voiture, en gangster des années 30, en Che Guevara, en agent 007, et très souvent torse nu façon Vladimir Poutine. Radu Mazăre, c’est un peu tout cela à la fois avec de fortes prédispositions pour le grandiloquent grand guignolesque. Son épisode le plus célèbre est certainement cette parade de mode sur le thème de l’armée il y a trois ans, où il est apparu sur scène aux côtés de son fils tous deux arborant un costume flambant neuf d’officier nazi. L’info croustillante, quoique pas si drôle, a fait le tour du globe.
Pas plus tard qu’en ce début d’année, il a débarqué à Bucarest pour « botter les fesses du président Băsescu » selon ses termes, habillé en militaire et accompagné d’une vingtaine d’amazones de Constanţa coiffées elles aussi d’un bonnet façon béret rouge. Radu Mazăre, leader de la fronde populaire, déclarant face caméra que s’il fallait se battre contre les gendarmes, il irait lui-même.
Radu Mazăre a débuté sa carrière en tant que journaliste, toujours à Constanţa. Déjà fort en gueule puisqu’il s’impose localement au moment de la révolution en leader étudiant, puis en tenant tête au président Iliescu de passage à Constanţa au début des années 90. Fort en affaires également. Après avoir lancé plusieurs journaux, il investit dans les kiosques de la région afin de contrôler la distribution de sa presse et créer un véritable empire média au niveau local avec télévisions, radios et presse écrite. Rapidement devenu baron local, et maire de la ville par la même occasion, sa fortune est faite.
Au mois de juin, Radu Mazăre briguera un quatrième mandat à la tête de la mairie. Egalement leader du bureau Constanţa du PSD, bon nombre d’observateurs et de constănţeni lui prédisent une nouvelle victoire facile. L’opposition peine en effet à constituer un front solide contre celui qui, à chaque élection municipale depuis 2000, gagne haut la main. Comble du sort pour un maire dont les réalisations concrètes ne se comptent pas par légion. Beaucoup de locaux aimeraient qu’un élu oeuvre notamment à la réhabilitation du centre-ville. Travaux que n’a toujours pas su démarrer Mazăre malgré des enjeux économiques et touristiques certains.
Pendant ce temps-là, la plupart des scandales autour de Constanţa mènent à la piste Mazăre. On ne compte plus les actions en justice entamées contre lui par la Direction nationale anti-corruption (DNA). La presse nationale fait constamment état d’accusations d’abus de pouvoir à l’encontre de ce maire sulfureux qui semble systématiquement passer entre les mailles du filet. En début d’année, le journal Evenimentul Zilei l’épingle pour avoir créé des sociétés off-shore à Chypre visant à toucher de l’argent public et européen. Il serait question ici de sommes monstres que ce même Mazăre et son compère du conseil départemental, Nicuşor Constantinescu, auraient perçues via des sociétés écrans. Pour le moment, les preuves manquent. Il est par contre actuellement en plein démêlé avec la justice pour des questions d’achat de terrains illicite à des prix inférieurs à leur valeur réelle. Pour Feri Predescu, journaliste à Constanţa, « la justice roumaine est très lente. Pour ce genre de cas notamment, les personnages type Mazăre trouvent toujours une combine pour reporter le jugement. C’est d’ailleurs un problème de fond pour la justice roumaine qui est ainsi mal faite ».
Pourtant, Radu Mazăre semble fasciner la plupart des Roumains. A l’instar d’autres figuri, il est omniprésent. On ne compte plus ses interventions polémiques. Divorcé, la presse se délecte de ses escapades amoureuses. Acteur et metteur en scène « inspiré », il vient de déclarer qu’il allait jouer dans un reality show de six épisodes présentant sa vie. D’abord marionnette locale quelque peu exotique pour la capitale, le personnage excentrique de Constanţa a désormais envahi la sphère médiatique de la même façon que d’autres barons/vedettes de la presse people. Il est intéressant de noter que ces spécimens roumains forts en gueule répondent d’un modèle similaire : des interventions pas toujours très bien mises en scène pariant sur une spontanéité exacerbée entre caprice et langage logorrhéique, et un côté insoumis et grégaire, voire libertaire – quoique la plupart revendiquent leur religiosité. Des bêtes de scène dont les piètres représentations sont sans aucun doute à mettre au chapitre des maux de la Roumanie actuelle.
Benjamin Ribout (juillet 2012).