La passion de l’héritier de la couronne britannique pour la Transylvanie n’est plus un secret. Amoureux de la région, de ses paysages et de son patrimoine, il y possède plusieurs maisons. Après Sighişoara et Viscri, il a acquis une demeure à Valea Zălanului, devenue l’une de ses résidences. Et quand Charles n’est pas là,elle se transforme en maison d’hôtes. Regard s’y est invité.
Trois jours plus tot, le prince Harry avait emprunté exactement le même chemin, perdu au milieu des collines du département de Covasna. Cette longue route caillouteuse mène à Valea Zălanului ou Zalanpatak comme l’appellent les Hongrois, majoritaires. Un petit village de 120 âmes, coupé de tout, où les ours et les oiseaux sont plus nombreux que les voisins. Les portables ne captent que sous un arbre bien précis, connu des seuls habitants. C’est dans ce bout du monde que le bad boy de la famille royale britannique est venu passer le week-end de Pâques. Plus exactement dans la dernière maison du village. Celle rachetée et rénovée par son père, Charles, amoureux fou de la Transylvanie, en 2008.
Derrière un large portail de bois, la propriété apparaît enfin. Deux maisonnettes rénovées de façon traditionnelle, l’une abritant les chambres, dont la « suite royale ». L’autre, dont la façade est frappée des armes du Prince de Galles, héberge la cuisine et une grande salle de vie, qui fait office de salle à manger, salon, salle de lecture ou de causerie au coin du feu. Entre les murs, tout est raffiné, de bon goût et une attention minutieuse est prêtée au moindre détail. Dehors, la nature, sauvage et préservée, apaise et suspend le temps. Dormir entre des draps brodés, dans un lit en bois massif. Se balader sur les crêtes en observant les orchidées. Guetter les ours au crépuscule. Dîner face au feu de bois, en dégustant une palinka au cumin et une excellente cuisine paysanne. L’invitation au voyage est devenue réalité, « tout n’est que luxe, calme et volupté… »
Zalanpatak n’est pas la première propriété du Prince Charles en Transylvanie. Mais « ici, c’est différent ; Zalanpatak est vraiment LA maison roumaine du Prince, sa résidence, comme le prouve la visite de sa famille. C’est ici qu’il vient faire le plein d’énergie », confie le Comte Tibor Kalnoky. Proche du Prince Charles (il a notamment été invité au “mariage du siècle”, de William et Kate), il s’est chargé de la rénovation de cette demeure, en assure la gestion, et entreprend de conter son histoire… « Ce village a été fondé par mon ancêtre qui est aussi un lointain ancêtre du Prince Charles, et s’est développé autour de la manufacture de verre au 17ème siècle. Cette maison, un peu isolée, plus imposante que les autres, était celle du contremaître. Jusqu’en 2008, elle était habitée par une vieille dame. A sa mort, j’ai convaincu le Prince de la racheter et la rénover », explique le Comte, dans un français parfait. « Ici, il retrouve tout ce qu’il aime en Transylvanie : l’harmonie entre la nature, sauvage, préservée, et la culture et le mode de vie traditionnel. »
L’ombre du Prince plane entre ces murs. Sur une poutre, le Comte a fait graver « Cette maison a été rénovée par Tibor Kalnoky pour le Prince de Galles ». Une photo du prince héritier trône sur un secrétaire. Dans « sa » chambre, les savons sont made in Highgrove, la fondation environnementale du Prince. « Il est présent partout, confirme Tibor Kalnoky. Il s’est fortement impliqué dans les travaux, a donné son avis sur tout, des plans à la couleur des rideaux ! Il a lui-même apporté de nombreuses peintures pour orner les murs. »
Mais pour transformer la maison paysanne délabrée en résidence royale, il a fallu trois ans. Les plans ont été dessinés par l’architecte roumaine Silvia Demeter-Lowe, et les travaux réalisés par l’équipe d’artisans du Comte, qui a déjà restauré plusieurs demeures rétrocédées à la famille Kalnoky, en respectant les techniques traditionnelles. Ici, pas de termopan qui tienne, tout se fait « à l’ancienne », comme le résume un des six artisans, occupé à « passer un mur à la chaux ». Le mobilier, lui, a été récupéré et acheté dans la région, et restauré par des artisans locaux.
Traditionnel et local, tels sont les deux maîtres mots du projet de développement qui accompagne cette restauration. « Notre objectif est de montrer comment on peut rénover une maison sans dénaturer son caractère, développer une certaine forme de tourisme pour contribuer à ce que les gens gardent leur style de vie, préservent le patrimoine, tout en ayant un meilleur niveau de vie », détaille le Comte. Ainsi, quand le Prince n’est pas là – 51 semaines sur 52 – Zalanpatak se fait maison d’hôtes et accueille touristes étrangers (essentiellement britanniques) et roumains, à qui elle propose balades nature, observation des oiseaux, visite de la région, sous l’égide de Gabor, un jeune Hongrois. 23 personnes – toutes du village et de la région – travaillent actuellement entre Zalanpatak et Miklosvar (propriété du comte, autre maison d’hôtes), et la majorité des produits – nourriture et matériaux pour les travaux de rénovation – sont achetés sur place. Au-delà de ces bénéfices directs, la présence de Charles dans le village « est un vrai atout pour la Roumanie », estime le Comte Kalnoky, « il contribue à diffuser une image positive du pays ». A en croire la rumeur villageoise, le Prince devait revenir dans sa casa du bout du monde au mois de mai.
Marion Guyonvarch (juillet 2012).