Entretien réalisé le mardi 14 juin en fin d’après-midi, par téléphone et en roumain.
Diagnostiquée il y a vingt-trois ans d’une sclérose en plaques (SEP)*, Liliana Vezetiu préside l’Association des patients souffrant de SEP du département de Vâlcea. Dans cet entretien, elle témoigne du quotidien des malades…
Quelles sont les principales difficultés auxquelles se confrontent les Roumains atteints de SEP ?
Bon nombre de ceux diagnostiqués d’une sclérose en plaques finissent en fauteuil roulant. Or, on vit dans un pays où l’infrastructure ne permet pas à ces personnes de vivre de façon indépendante. La plupart des commerces ou des institutions manquent de rampes d’accès. Et s’il y en a une, la pente est trop élevée, la rampe devient alors impraticable et dangereuse. Pareil pour les bordures des trottoirs qui sont très abruptes. On a aussi du mal à avancer dans les rues pavées, surtout quand il y a des dalles décollées. Ce n’est déjà pas simple quand on se tient sur ses jambes, alors imaginez en fauteuil roulant…
* La sclérose en plaques est une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central. Une dysfonction du système immunitaire y entraîne des lésions qui provoquent des perturbations motrices, sensitives, cognitives, visuelles ou encore sphinctériennes (le plus souvent urinaires et intestinales). Source : Inserm.fr
Avez-vous cependant observé des progrès au niveau de la législation ?
Heureusement, oui. En 1999, quand mon diagnostic est tombé, dans toute la Roumanie il n’y avait qu’un seul appareil vétuste pour les IRM (Imagerie par résonance magnétique, ndlr). Les listes d’attente étaient interminables… Or, dans la plupart des cas, la sclérose en plaques débute par poussées – c’est-à-dire par des lésions intermittentes du système nerveux central, contrairement aux formes progressives, ndlr –, et c’est à ce moment-là qu’on doit passer une IRM et recevoir un traitement. Désormais, l’accès aux IRM s’est généralisé, et plusieurs traitements européens sont également disponibles en Roumanie. Pas tous, mais quand même, un nombre important d’entre eux permettent un ralentissement de la maladie. En revanche, ce que les autorités devraient faire et ce que nous, les associations, essayons d’obtenir est une prise en charge par la Sécurité sociale d’un programme de kinésithérapie, avec des séances quotidiennes. En ce moment, on n’a droit qu’à 20 heures par an, c’est très insuffisant. Il faudrait par ailleurs une prise en charge psychologique. La plupart des personnes diagnostiquées d’une SEP, et nous sommes plus de 10 000 actuellement en Roumanie, souffrent de dépression, s’isolent, refusent de sortir de chez elles et de mener une vie active. On devrait les aider davantage.
Comment les Roumains regardent-ils les malades souffrant de SEP ?
En Roumanie, il suffit d’être en fauteuil roulant pour se retrouver isolé. À l’époque où j’étais toujours active, j’ai beaucoup voyagé, et je fus impressionnée de voir qu’en Allemagne, par exemple, un tel fauteuil est simplement considéré comme une aide pour les personnes malades, fatiguées, âgées, peu importe, mais personne ne vous regarde différemment. Cela dépend évidemment du niveau d’éducation et d’empathie de chacun d’entre nous ; les Roumains pensent souvent qu’une personne ayant un handicap physique est aussi limitée intellectuellement. Ceci dit, notre société peut parfois générer de belles initiatives… Je me rappelle d’une campagne menée il y a quelques années dans un café, à Bucarest, pour faire comprendre aux gens les problèmes auxquels les malades se confrontent au quotidien. Les lettres sur les menus étaient floues, le plancher bougeait légèrement, les chaises étaient trop lourdes, les cuillères difficiles à utiliser… Ce fut une campagne réussie. Je pense qu’il devrait y avoir davantage d’initiatives de ce genre.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.
Pour aller plus loin, lire l’article – en roumain – du site hotnews.ro sur les malades de sclérose en plaques en Roumanie (15/06/2022).