Entretien réalisé le mercredi 15 juin en fin de matinée, par visioconférence et en français.
Rencontre avec Charles Berville, jeune ingénieur français doctorant à l’Université technique de génie civil de Bucarest (UTCB), membre fondateur et président de l’ONG Climatosfera…
Que fait Climatosfera ?
Cela a commencé au printemps dernier. Avec plusieurs jeunes chercheurs, entrepreneurs et influenceurs évoluant dans différents domaines, roumains et français, nous avons voulu faire quelque chose ensemble pour l’environnement. On a donc créé il y a un an cette ONG, Climatosfera, afin de rassembler nos forces et d’avoir un impact sur la société. Nous avons démarré par de la sensibilisation sur les enjeux climatiques ; c’est quoi le changement climatique, pourquoi il faut des bâtiments énergétiquement efficaces, pourquoi faire un bilan carbone, pourquoi on doit réduire notre consommation de viande, etc. Nous nous sommes donc formés nous-mêmes à divers ateliers, plus précisément à des jeux que nous utilisons désormais au sein d’écoles, d’entreprises, d’institutions. Chacun des membres de l’ONG participe à ces ateliers de formation suivant son domaine d’expertise. Un exemple de jeu est « la fresque du climat », créée par un ingénieur français après avoir lu les rapports du GIEC. Il a pris les idées essentielles de ces rapports complexes et les a intégrées dans un jeu de quarante-deux cartes représentant quarante-deux phénomènes de changement climatique. L’idée est que des équipes de cinq à huit personnes, orientées par un formateur, placent ces cartes sur une grande table dans une suite de causes à conséquences. Avant de proposer des solutions à l’échelle individuelle, d’une entreprise ou de n’importe quel type de structure.
Sur les énergies renouvelables, quel est votre positionnement ?
En premier lieu, je dirais qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises énergies renouvelables. Dans les médias, il y a cette tendance à se focaliser sur une seule énergie à la fois, en simulant un monde où il n’y aura que des voitures électriques, ou que des éoliennes. Or, l’idée est que l’on doit toutes les utiliser en même temps, bien que certaines soient plus ou moins sobres et vertueuses énergétiquement. Si l’on prend l’exemple des transports, la voiture doit être électrique, mais pas individuelle. La voiture individuelle est un modèle que nous devons dépasser. Une voiture, c’est environ 12 m2, cela prend beaucoup d’espace, un espace qui pourrait être utilisé pour faire de l’agriculture urbaine ou créer des espaces verts. Il faut penser voiture partagée et développement des transports en commun. Quant aux éoliennes que je mentionnais, on ne peut plus faire sans, même si leur fabrication implique un coût environnemental ; une fois en activité, elles ne vont plus émettre de pollution pendant environ trente ans. Mais encore une fois, on ne peut pas compter que sur les éoliennes dont l’impact visuel notamment n’est pas négligeable. Enfin, je dirais que les solutions ne sont pas globales mais locales ; chaque lieu sur terre aura sa propre solution de mix d’énergies renouvelables. Dans le même temps, devenir plus sobre dans sa consommation d’énergie est capital.
Précisément, au niveau local, qu’observez-vous en Roumanie ?
Il y a beaucoup à faire, la Roumanie a pris du retard. En revanche, elle a su prouver dans bien des domaines qu’elle sait s’adapter et évoluer rapidement. Ces dernières années, j’ai vu plusieurs initiatives de la part d’ONG spécialisées dans l’environnement, et j’ai également pu participer et développer des projets de recherche avec notre équipe au sein de l’UTCB. Un exemple concret est le projet DivAirCity au sein duquel notre équipe coordonne la partie roumaine composée de l’UTCB, la mairie du Secteur 2 de Bucarest et ARCEN. DivAirCity est financé par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 et des objectifs de développement durable valorisant la diversité et l’inclusion sociale pour parvenir à une société urbaine innovante, sensibilisée et neutre en carbone. DivAirCity s’intéresse à l’équation entre inégalités sociales, conditions de santé et pollution de l’air dans les villes. Le projet implique 26 organisations de l’UE et crée des programmes pilotes reproductibles dans les cinq villes du consortium : Bucarest, Aarhus au Danemark, Castellón en Espagne, Orvieto en Italie et Potsdam en Allemagne. Il se focalise sur l’intégration de solutions basées sur la nature, « Nature-Based Solutions » en anglais, tels que des espaces verts et jardins urbains pour séquestrer un maximum de carbone et polluants présents dans l’air urbain. Chaque initiative sera suivie par des contrôles de qualité de l’air grâce à un réseau de capteurs, et sera développée en collaboration avec la mairie et les habitants des zones d’intervention. C’est un parfait exemple de partenariat public-privée-université-citoyens.
Propos recueillis par Olivier Jacques.