Lentement il défait l’emballage du sucre posé au bord de la tasse à café. Plonge le petit carré blanc dans le liquide noir, prend la cuillère et remue. Un son doux s’en dégage, une berceuse monocorde. L’homme a environ soixante-dix ans. Bien coiffé, chemise impeccable, veste en velours, il est seul à la table du bistrot qui fait l’angle, juste devant la vitre. A sa gauche, le journal du jour. Après deux gorgées, il le déplie et commence à lire. Autre lieu, autre saison… Lentement elle choisit quelques pommes sur l’étalage, son sac de provisions autour du bras. C’est le début du marché, il est sept heures du matin. L’air est frais mais le soleil déjà chaleureux. Elle a environ quatre-vingt ans. Grand châle bleu sur les épaules, chignon de cheveux blancs, robe à fleurs assorti au châle. Deux scènes de vie quelconques, deux personnes âgées visibles tous les jours, n’importe où, n’importe quand. Qui ne gênent pas, n’empêchent rien, sont juste là, quelques secondes, le temps de les apercevoir peut-être. Avant qu’elles ne partent. Lentement.
Laurent Couderc (octobre 2014).