Trouver un nouvel élan dans les relations Roumanie- Afrique… C’est ce que souhaitent depuis quelques années nombre d’officiels et hommes d’affaires. Malheureusement, il semblerait que pour l’instant seuls les investisseurs « les moins propres » de Roumanie aient osé poser un pied sur cet autre grand continent.
« Nous avons trop longtemps fait l’erreur de mettre tous les oeufs dans le même panier. Désormais, il faut se tourner davantage vers les marchés turc, chinois, africain et arabe, bien que ce dernier soit un peu trouble en ce moment » déclarait, en décembre dernier, le président Traian Băsescu au cours d’une rencontre avec les membres de l’Association nationale des exportateurs et importateurs (ANEIR).
Il est bien connu que l’Afrique (à l’exception notable du Maghreb et de l’Egypte) était un continent où Nicolae Ceauşescu aimait voyager fréquemment ; il y était reçu comme un grand homme d’Etat par différents dictateurs locaux. Normal: il leur accordait des prêts de plusieurs dizaines de millions de dollars… Mais les temps ont changé.
En novembre dernier, Mihai Ionescu, président de l’Association des exportateurs et importateurs (ANEIR), déclarait qu’en 2010, la balance commerciale avec l’Afrique avait été largement excédentaire, les exportations vers différents pays africains totalisant 820 millions de dollars, et les importations 200 millions. Ce qui reste une goutte d’eau comparée aux exportations roumaines vers l’Union européenne (environ 27 milliards d’euros en 2011) et les importations en provenance de l’UE (environ 34 milliards d’euros).
Quoi qu’il en soit, M. Ionescu précisait que les Roumains pouvaient aider les Africains dans le domaine de l’agriculture et des ressources naturelles, mais aussi dans la production et la distribution d’électricité. Et d’ajouter qu’en dehors de l’Afrique du Nord, les compagnies roumaines étaient notamment intéressées par le Sénégal, la Guinée, la Gambie, le Cap-Vert ou bien la Côte d’Ivoire. Malheureusement, ce ne sont pas les plus honnêtes qui s’y intéressent…
Le Sénégal et la Gambie sont justement les deux pays sur lesquels mise à présent l’homme d’affaires controversé Ovidiu Tender, président de Tender Group, par l’intermédiaire de sa compagnie Prospecţiuni, spécialisée dans les études géologiques, mais aussi à travers d’autres compagnies de son conglomérat. « L’Afrique est le dernier endroit inexploré de la planète. Ses ressources minérales sont immenses et les opportunités s’ouvrent à vous dès la descente d’avion », a récemment affirmé Tender, qui se déclarait prêt à partager son expérience. Prospecţiuni est déjà autorisée à chercher du pétrole en Gambie et au Sénégal. Et l’homme d’affaires vise aussi à investir dans une ferme d’animaux au Sénégal, ou bien dans la culture à grande échelle de plantes pour les biocarburants, au Sénégal et en Guinée. A voir dans quelles conditions…
Car le succès de Tender n’est pas sans nuages. « J’ai besoin d’avoir la paix en Roumanie pour pouvoir me développer en Afrique », assure-t-il, faisant allusion aux différents problèmes qu’il a eus et qu’il continue d’avoir avec la justice roumaine, (blanchiment d’argent, infractions économiques…). Mais les procès se prolongent; Ovidiu Tender se déplace pour l’instant librement, et aucune restriction pour ses affaires n’a été décidée. Quant à la façon dont Ovidiu Tender a obtenu ses concessions en Afrique, peu de détails ont été rendus publics.
A son tour, Frank Timiş, le « mentor » de Tender, est actuellement l’heureux exploitant d’un des plus grands gisements de minerai de fer au monde, situé en Sierra Leone, avec des réserves estimées à 12 milliards de tonnes. Un succès qui, selon Wikileaks, est suspecté par les autorités américaines qui s’intéressent de près à la façon dont Timiş conclut ses contrats. Mais il est surtout contesté à Londres, où il réside en tant que citoyen britannique. A deux reprises, en 2009 et 2010, la Bourse de Londres a sanctionné des compagnies qu’il dirige pour avoir diffusé de fausses informations sur leurs bilans.
Malgré ces requins de mauvais augure, les ambassadeurs de pays africains accrédités à Bucarest souhaitent attirer les investisseurs roumains en plus grand nombre. Officieusement, un de ces diplomates reconnaissait que son pays désirait renouer les relations avec la Roumanie non seulement en raison du « bon vieux temps », mais aussi pour contrecarrer, du moins en partie, « l’offensive impétueuse » de la Chine en Afrique.
Răsvan Roceanu (mars 2013).