Laura Ștefan est coordinatrice des activités anti-corruption du groupe de réflexion Expert Forum. Elle travaille notamment sur un sujet peu commenté : la saisie et confiscation des avoirs issus du crime organisé…
Pouvez-vous expliquer en quoi consiste la saisie et confiscation des avoirs issus du crime organisé ?
La confiscation des avoirs issus du crime organisé signifie de reprendre des biens obtenus à travers des activités illégales, qu’il s’agisse d’immeubles, de bijoux, ou de monnaies virtuelles, ces dernières faisant d’ailleurs de plus en plus partie du jeu criminel. En général, les juridictions en Europe, et c’est aussi le cas en Roumanie, planifient ensuite d’utiliser ces biens dans un objectif social. L’Italie est en avance dans ce domaine, où des bâtiments confisqués accueillent des associations, comme celles qui aident les victimes de la mafia.
Comment ces groupes criminels réagissent-ils à ces saisies ?
Que veut le crime organisé ? De l’argent, des bénéfices. Les individus sont remplaçables. Tel l’hydre, les têtes tombent et repoussent. Mais aller chercher l’argent, c’est toucher au cœur du système criminel, c’est ce qui fait mal. Si l’on s’en prend aux ressources de ces groupes, ils ne peuvent plus perpétuer leur modèle économique. Ils ont besoin d’argent pour grandir, pour infiltrer différentes strates de la société, pour atteindre les populations les plus vulnérables. Saisir leurs biens, c’est l’une des meilleures armes de dissuasion. Cela envoie aussi un message social important : le crime ne paie pas. Cela décourage l’adhérence à ce type de comportement. Enfin, réutiliser les biens, comme les immeubles, ou indemniser les victimes, c’est envoyer un signal fort, c’est montrer à la communauté que l’État a pris des mesures contre les hors-la-loi.
Quelle est la situation en Roumanie ?
Cela avance petit à petit. Il y a des améliorations en termes d’institutions et de législation. Nous avons maintenant une agence de confiscation des biens, l’ANABI (Agence nationale pour l’administration des biens saisis, ndlr), qui travaille avec l’ANAF, l’autorité fiscale. Son objectif est d’identifier les biens le plus tôt possible lors d’une enquête, puis de les confisquer et ensuite de les vendre, soit au début du procès, soit à la fin des procédures judiciaires. Un projet de loi a par ailleurs été déposé pour améliorer le cadre législatif qui traite de la confiscation des biens. On voit également davantage de prise de conscience de la part du milieu judiciaire concernant l’importance de la confiscation des biens. Toutefois, il reste de nombreux défis, le plus grand étant que les procureurs et les autorités comprennent que l’identification des biens issus du crime organisé doit être une étape à part entière de l’enquête. Car plus cela se fait tôt, plus il sera possible de réparer les dommages causés par ces groupes criminels.
Propos recueillis par Marine Leduc.
Vidéo sur le « Premier bien immobilier saisi et réutilisé en Roumanie » : https://www.youtube.com/watch?v=p9pGg0IMAT0
À lire ou à relire, notre premier entretien avec Laura Ștefan sur le crime organisé, édité en décembre dernier : http://regard.ro/laura-stefan/