Entretien réalisé le vendredi 9 juin dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Spécialiste en nutrition et sécurité alimentaire, Dr. Laura Davidescu est aussi la directrice de publication du magazine Viața medicală. Dans cet échange, elle se penche sur les habitudes alimentaires des Roumains…
Quelles sont les bonnes et mauvaises habitudes dans la façon dont les Roumains se nourrissent ?
Après les deux années de pandémie, qui ont accentué le sédentarisme et la prise de kilos, les Roumains ont commencé à prêter plus d’attention à leur assiette. On a notamment observé une prise de conscience de la part de parents inquiets face à la recrudescence des cas d’obésité infantile. Bien que dans les familles roumaines, c’est l’enfant qui impose souvent ses préférences durant les repas familiaux… Quant aux adolescents, tout en étant davantage sensibles à une alimentation correcte, ils continuent de se nourrir n’importe comment. Et ce n’est ni l’absence de cantines dans les écoles, ni la situation financière des parents qui en sont responsables. Un fruit ou un sandwich est toujours préférable que de donner à un enfant de l’argent pour qu’il s’achète des chips ou de la pâtisserie bon marché. Ceci étant, la bonne nouvelle est que la plupart des Roumains aiment cuisiner. Trois quarts des familles mangent deux fois par jour des plats faits maison. Et une place privilégiée revient à la ciorba, cette soupe aigre aux légumes et à la viande aux bénéfices nutritionnels évidents.
En Roumanie, quelles sont les maladies directement liées à une mauvaise alimentation ?
Malheureusement, la mauvaise alimentation figure ici parmi les principales causes de mortalité et de morbidité. Je pense notamment aux maladies cardiovasculaires, ou à l’obésité qui, comme je l’indiquais précédemment, touche un pourcentage toujours plus inquiétant d’enfants et d’adolescents. Un régime riche en graisses saturées, en viande rouge, notamment en viande de porc, ou encore en farine blanche augmente le risque du cancer colorectal, par exemple. Sans oublier le diabète dû à un apport excessif en glucides raffinés. Heureusement, sur ce point précis, à partir du mois de juillet, les médecins traitants pourront tester le taux de glycémie depuis leur cabinet, ce qui permettra une prise en charge rapide. Peu de Roumains s’en réfèrent à un nutritionniste, notamment parce que la visite n’est pas prise en charge par la sécurité sociale. Généralement, ils n’y vont que suite aux repas copieux de fin d’année, ou avant la période estivale. Et une toute petite catégorie vient nous voir pour changer ses habitudes alimentaires suite à un diagnostic de cancer ou à un accident vasculaire cérébral.
Y a-t-il des carences particulières dans l’alimentation « à la roumaine » ?
Selon un rapport délivré par l’OCDE, un quart des adultes roumains ne consomment pas même un fruit ou un légume par jour. Et un tiers d’entre eux consomment de l’alcool de façon excessive au moins une fois par semaine. Néanmoins, à la différence des Allemands qui choisissent leurs suppléments de vitamines et de minéraux en fonction du prix, les Roumains font surtout confiance au pharmacien ou au médecin. Enfin, n’oublions pas que la Roumanie est un pays majoritairement orthodoxe, et que de nombreux fidèles observent les périodes de jeûne. Or, en l’absence de produits d’origine animale, il est très important de continuer de s’alimenter correctement. Malheureusement, pendant ces périodes, beaucoup de Roumains mangent trop de viennoiseries, de frites ou de covrigi.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.