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L’arrivée des fonds de retraite privés en Roumanie en 2008 visait à rééquilibrer un régime voué à la faillite, le système public ne pouvant assurer à terme le paiement de l’ensemble des retraites. Qu’en est-il aujourd’hui ?

À la fin du premier semestre 2013, les neuf fonds de retraites privés obligatoires, dénommés « deuxième pilier », et pilier 3 (optionnel), administraient des contributions totalisant 9,68 milliards de lei (environ 2,1 milliards d’euros), somme qui, suite à divers investissements, s’est transformée en actifs d’une valeur totale de 11,53 milliards de lei (environ 2,5 milliards d’euros), affirme un communiqué officiel de l’Association pour les pensions de retraite privée (APAPR) délivré en septembre. Selon ce même communiqué, au cours des cinq années écoulées depuis le lancement du deuxième pilier, le rendement moyen des fonds a été de 11,4%. Un pourcentage plutôt bon… « Les résultats enregistrés jusqu’à présent vont renforcer la confiance des participants dans ce système qui se développe, grâce aussi à l’aide des autorités », a récemment déclaré Marius Popescu, président de l’APAPR.

Ceci étant, la situation du régime des retraites en Roumanie n’est pas si réjouissante. En mars dernier, la Roumanie comptait plus de 5,26 millions de retraités et 4,36 millions de salariés. Autrement dit, un contribuable roumain soutient en moyenne 1,20 retraité. Un ratio qui parfois se révèle plus de deux fois supérieur dans les campagnes (voir aussi pages 26-27). Pourtant, L’APAPR assure qu’il y a, officiellement, 5,9 millions de participants au deuxième pilier (salariés et professions libérales). Mais les cotisations seraient régulièrement versées par seulement 3,6 millions d’entre eux.

« Il est clair que notre système n’est plus viable. (…) Trop peu de salariés contribuent au budget, un peu plus de 4 millions, sur une population active totalisant presque 10 millions de personnes »

Souvent les employeurs n’acquittent pas leurs cotisations patronales ni même celles qu’ils ont retenues aux salariés. Aussi bien concernant les cotisations pour le pilier 1 – correspondant au pur régime public – que celles redirigées vers le pilier 2. Autre problème : le quota de contribution aux retraites privées. Il est actuellement de 4% du revenu brut, et devrait augmenter jusqu’à 6% en 2016 – le quota total des prélèvements pour les retraites est actuellement de 9,5% du salaire. Mais il n’assure pas l’équilibre du système. « Au rythme actuel, dans moins de dix ans, la Roumanie ne pourra plus payer les retraites, et l’Etat devra emprunter. Du point de vue économique, nous sommes dans une situation tellement mauvaise qu’il ne faut pas s’attendre à des miracles », soutient l’économiste et politicien Mircea Coşea, cité par le quotidien Ziarul Financiar dans son édition du 27 août dernier. M. Coşea ajoute que le nombre excessif de retraités est aussi le résultat des stratégies politiques d’après 1990, quand les entreprises d’Etat – et notamment celles du secteur de la défense – ont été obligées de réduire leur personnel en abusant de la retraite anticipée, ceci afin d’éviter des mouvements sociaux massifs.

« Il est clair que notre système n’est plus viable. (…) Trop peu de salariés contribuent au budget, un peu plus de 4 millions, sur une population active totalisant presque 10 millions de personnes. Pour payer les retraites publiques, l’Etat dépense beaucoup trop par rapport à ce qu’il peut se permettre, car le nombre de retraités est très élevé », souligne le professeur Marian Preda, doyen de la Faculté de sociologie de l’université de Bucarest (voir aussi l’entretien pages 28-29).

De son côté, l’exécutif se veut optimiste. Dans son allocution adressée aux participants du Forum international des assurances et réassurances, au mois de mai dernier, la ministre du travail, Mariana Câmpeanu, a exprimé sa confiance vis-à-vis des retraites privées – devant un tel parterre, elle n’allait de toute façon pas faire autrement… Selon elle, le deuxième pilier est le seul partenariat public-privé qui fonctionne : « Les rendements ont été supérieurs au taux d’inflation, et la crise n’a pas eu des conséquences sur les économies des futurs retraités. (…) C’est une solution viable qui doit être développée. » Pas si simple… En mai 2010 déjà, lors de la première conférence sur les retraites privées, le président de la Commission de surveillance du système des retraites privées de l’époque, Mircea Oancea, cité par le site wall-street.ro, affirmait que le quota de cotisation était insuffisant : « Il faudrait accélérer le calendrier afin d’atteindre le quota de 6% de cotisations au deuxième pilier dans les six ans à venir. Car seul un taux minimal de 8% fera que notre régime des retraites fonctionne. »

Le gouvernement a écouté, mais l’objectif de 6% de cotisations fixé pour 2016 reste inchangé. Augmenter ce taux vaudrait dire céder trop d’argent aux fonds privés, déjà que l’exécutif a du mal à combattre l’évasion fiscale… Fin août, le ministère des Finances a annoncé que le déficit du budget des retraites s’élevait, au mois de juillet, à 6,9 milliards de lei (environ 1,6 milliard d’euros), par rapport à 6 milliards de lei (environ 1,4 milliard d’euros) le mois précédent. A ce rythme, l’équation des retraites ne sera pas résolue – d’autant que la pension privée ajoutée à la pension publique doit représenter 70 à 80% du salaire. Seule certitude, assurée par la loi, les fonds de retraite du deuxième pilier doivent avoir une rentabilité des dépôts au moins égale au taux d’inflation. Normalement.

De grands investisseurs

En choisissant un fonds de retraite privé, les Roumains, comme leurs voisins européens, optent aussi, en général sans le savoir, de devenir actionnaires de banques, roumaines et étrangères, ou de multinationales dans les secteurs les plus divers. Selon la liste des portefeuilles de ces fonds, les investissements préférés demeurent, évidemment, les titres d’Etat, car ce sont les plus sûrs, bien que leur rendement ne soit pas exceptionnel. Par ailleurs, les contribuables au fonds BRD, par exemple, ont également placé leur argent à la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), chez Petrom, mais ont aussi investi dans des obligations émises par les mairies de Iaşi, Timişoara ou Bacău. En Roumanie, les sociétés pharmaceutiques, de l’industrie chimique, ou les Sociétés d’investissements financiers (SIF) seraient particulièrement intéressantes. Les cotisants au fonds de retraite ALICO sont ainsi actionnaires d’Azomureş (industrie chimique), de Biofarm (pharmacie), de Banca Transilvania ou bien du deuxième groupe bancaire polonais, la Bank Pekao. Tandis que ceux qui ont choisi Vital-Aegon sont co-détenteurs de titres d’Etat roumains et d’obligations émises par la BERD tout en étant aussi actionnaires de Dafora (énergie), de Transelectrica ou de la Bourse de Bucarest. Le fonds Generali a de son côté investi l’argent des futurs retraités dans des titres d’Etat, mais aussi dans des actions LVHM, BMW, Saint-Gobain ou encore France Telecom. En espérant que ces grands groupes continuent de rester grands.

Răsvan Roceanu (octobre 2013).

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