Entretien réalisé le mardi 2 mai en début d’après-midi, par téléphone et en roumain.
Après des études d’ingénierie, Iulia Șchiopu a renoué avec la peinture. Elle s’ouvre ici sur sa passion…
Quelles sont vos sources d’inspiration actuelles ?
Je suis une « créatrice de poupées », c’est ainsi que j’aime bien nommer mes personnages féminins aux longs cous et aux grands yeux qui apparaissent dans tous mes tableaux. Il s’agit d’une dénomination par laquelle je cherche à rester discrète dans le monde artistique que j’ai rejoint tard et presque en autodidacte. Je suis originaire de Brașov et je continue d’y vivre. Plus jeune, quand le seul lycée spécialisé en arts plastiques de la ville a fermé ses portes, j’ai dû me réorienter. Ce n’est que des années plus tard que j’ai décidé de renouer avec la peinture, d’abord comme une forme de thérapie. Mes poupées sont donc inspirées par mes états d’esprit, elles sont des personnages diaphanes qui posent un regard étonné et émerveillé sur le monde. Je dirais que je suis une véritable collectionneuse d’instantanés de vie que je cherche à exprimer ensuite par l’intermédiaire de mes tableaux.
Comment vous sentez-vous en tant qu’artiste résidant en Roumanie ?
J’ai eu besoin de beaucoup de courage pour revenir à la peinture après une pause si longue. Aujourd’hui, cela me rend tellement heureuse que je ne vois pratiquement plus les inconvénients de la vie d’artiste. Par exemple, je n’ai pas d’atelier et je n’en veux pas. Je peins depuis chez moi, ce qui me permet de m’occuper de ma fille. J’expose régulièrement dans deux, trois galeries, et j’ai déjà présenté mes œuvres à l’étranger, notamment en Allemagne et en France dans le cadre d’expositions communes. Par ailleurs, mes poupées apparaissent sur la couverture de plusieurs romans. Le plus souvent, ce sont les écrivains qui, en regardant mes tableaux, me contactent pour me dire que telle ou telle poupée exprime bien ce qu’ils ont voulu raconter dans leur livre. Les gens me connaissent aussi grâce à ma page Facebook. C’est là que j’ai commencé à montrer mes poupées qui ont fini par réunir une communauté autour d’elles.
Comment les informations du monde, notamment les plus tragiques, vous affectent-elles en tant qu’individu et en tant qu’artiste ?
Mon art n’est pas engagé, je dirais qu’il offre plutôt un refuge devant l’injustice. Le fait de peindre d’une manière presque poétique − on m’a déjà dit que mes poupées tiennent du réalisme magique −, d’imaginer des scènes où la beauté prime, c’est ma façon à moi d’orner les canons avec des fleurs. Lors de la pandémie, j’ai refusé de dessiner une poupée avec le visage couvert d’un masque, je n’ai pas voulu utiliser l’émotion du moment. Mes poupées ne font pas ça, elles invitent à la rêverie, et montrent la beauté qui existe en nous et autour de nous.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.