Avec une expérience de vingt ans dans le domaine de la migration, Iris Alexe, présidente de l’association Novapolis, se penche sur un phénomène relativement nouveau pour la Roumanie et propose des solutions visant l’intégration des migrants…
La ville de Timișoara est confrontée ces derniers mois à un nombre croissant de migrants ayant franchi illégalement la frontière avec la Serbie.* Comment l’expliquez-vous ?
Depuis la crise des réfugiés de 2015, une partie des migrants qui voulaient se rendre en Allemagne se sont retrouvés bloqués dans des pays de transit, dont certains, la Bosnie, la Croatie ou encore la Serbie, ne disposent ni de la logistique nécessaire, ni d’une situation économique favorable pour faire face à ce défi ; à la différence de l’Allemagne, qui a réussi à intégrer rapidement un grand nombre de migrants. Ces personnes n’ont pas disparu lorsque les frontières ont été fermées, notamment celles de la Hongrie, mais ont continué de tenter leur chance. Et lorsque l’hiver est arrivé, leur présence est devenue encore plus visible. Il faut aussi préciser qu’une partie des migrants se trouvant actuellement à Timișoara étaient déjà entrés en Roumanie avant l’automne. Ils avaient franchi une autre frontière ou avaient été transférés vers des centres d’accueil d’autres villes avant de converger vers Timișoara en espérant continuer leur route en direction de l’Europe de l’ouest.
* L’année dernière, 4125 migrants ont été interpellés après être entrés illégalement en Roumanie depuis la Serbie, contre 1109 en 2019, selon la police aux frontières de Timișoara (ndlr).
Votre association plaide pour une intégration des migrants, comment les communautés locales réagissent-elles ?
Lors des échanges d’expérience que nous avons organisés pour aider les autorités à gérer un éventuel afflux de migrants, et à mettre en place des mécanismes de prise en charge, j’ai été agréablement surprise de constater une grande ouverture et une réponse de solidarité de la part de ces communautés locales, qui voient la migration comme une source d’enrichissement tant culturel qu’économique. Nombre de personnes avec lesquelles j’ai discuté ont fait un parallèle entre ces migrants et les Roumains qui partent à la recherche d’un emploi, ou pour faire des études.
Vous organisez également des cours d’entrepreneuriat destinés aux migrants, avec quels résultats ?
Nous avons en effet lancé un programme baptisé MiraGE (Intégration des migrants pour une croissance économique en Europe, ndlr), financé par l’Union européenne. Il inclut des cours aussi bien pour les migrants que pour les entrepreneurs qui veulent embaucher des ressortissants étrangers. Si le volet destiné à aider les migrants à trouver un emploi en Roumanie a été moins sollicité, en revanche celui visant leur formation en vue de devenir des entrepreneurs a eu un franc succès. Nous avons également proposé des débats entre migrants ayant mis sur pied une affaire et ceux souhaitant leur emboîter le pas. D’ailleurs, plusieurs de nos quelque soixante-dix stagiaires ont déjà commencé à rédiger des plans d’affaires et envoyé des demandes de financement, c’est un résultat très réjouissant.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.