Entretien réalisé le samedi 7 mai dans la matinée, en roumain et par téléphone.
Psychologue et fondatrice du Centre de thérapie, formation et développement personnel Becoming Center, Irina Șubredu se penche sur le stress chez les Roumains…
De quels types de stress les Roumains pâtissent-ils le plus ? Et quelles en sont les causes principales ?
Selon une enquête de 2017, plus de 80% des salariés roumains se plaignaient alors de fatigue, d’épuisement ou de troubles du sommeil. Et au terme d’une étude internationale menée en 2020 concernant les premiers effets de la pandémie sur la santé mentale, 42% des Roumains affirmaient que leur niveau de stress déjà existant était monté d’un cran en raison de la crainte de perdre un proche, un emploi, ou de tomber dans la pauvreté. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine est un nouveau facteur de stress. Elle génère un manque de prédictibilité, un sentiment de menace à l’adresse de la sécurité mondiale et individuelle, mais aussi une sensation de solitude de plus en plus accentuée.
Voyez-vous toujours plus de patients atteints d’épuisement professionnel ?
Oui, il y en a beaucoup, et leur nombre a augmenté pendant la pandémie avec le télétravail et l’école à la maison. Cela a provoqué un effacement des frontières entre nos vies professionnelles et privées. Même si le travail à domicile offre un plus de flexibilité, il nous met souvent dans l’impossibilité de mettre un terme à notre journée de travail. Les pauses café, les discussions avec les collègues, etc., toutes ces habitudes considérées généralement comme non productives ont un rôle très important dans notre vie professionnelle ; elles nous obligent à nous accorder des moments de respiration pour mieux travailler ensuite. Cet épuisement se manifeste également par une baisse du rendement des employés, et la perte de toute motivation.
La culture roumaine est-elle protectrice contre le stress ?
Malheureusement, la culture et la société roumaines ont tendance à montrer du doigt le moindre signe de faiblesse. De façon générale, le salarié roumain a honte de se retrouver dans l’incapacité de s’acquitter de ses tâches professionnelles, de se sentir fatigué ou stressé. La société telle qu’elle est construite actuellement nous encourage à faire semblant d’aller bien, même quand on va mal. La performance, les horaires prolongés, tout cela est considéré comme une sorte d’exemple de bonne conduite et de moralité du salarié roumain. Heureusement, depuis quelques années, de petites bulles de normalité surgissent, dans les multinationales, les ONG… Dans ces bulles, on encourage la solidarité, les politiques de protection salariale, et les problèmes de santé mentale sont moins stigmatisés.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.