Irina Costache est médecin pédiatre au sein du réseau privé de santé Regina Maria. Elle collabore également au site Mămica pediatru (La maman pédiatre) où elle explique les différentes affections infantiles. Réflexions sur son métier et la santé en Roumanie…
Nous avons précédemment interviewé l’une de vos collègues médecin sur la dualité privé-public du système de santé. Selon elle, « une solution serait que les deux systèmes n’entrent plus en concurrence, et que la Sécurité sociale couvre les services du privé pour les soins coûteux ». Est-ce également votre avis ?
Oui, d’ailleurs cette idée a existé dès le départ, en 1995, année de l’ouverture de la première clinique privée de Roumanie. À l’époque, on espérait offrir aux Roumains une assurance maladie qui leur permettrait de choisir entre les deux systèmes sans coûts supplémentaires. Cet idéal n’est pas advenu, et nous nous retrouvons avec deux modèles concurrentiels qui embauchent les mêmes médecins. Les autorités ont tenté de freiner cette pratique, sans succès. Par ailleurs, à la différence de la plupart des hôpitaux publics où les spécialités médicales ne sont pas en lien ou trop peu, le système privé propose des équipes pluridisciplinaires qui réunissent leur savoir-faire au bénéfice du malade. Concernant la pédiatrie, il est regrettable que dans la plupart des hôpitaux publics, il n’existe presque pas de possibilités d’hébergement pour les parents qui souhaitent rester auprès de leurs enfants. Toutefois, on peut citer l’hôpital pour enfants Victor Gomoiu, entièrement rénové selon les standards occidentaux.
Comment les parents roumains se comportent-ils chez le pédiatre ?
À la différence d’il y a dix ans, quand les parents venaient me voir emplis de confiance, même si à l’époque je n’étais qu’en début de carrière, aujourd’hui j’ai affaire à des parents plutôt suspicieux, souvent persuadés de tout savoir, adeptes de n’importe quel groupe Facebook traitant de l’enfance. Parfois, j’ai le sentiment d’être sur scène, obligée de séduire par ma façon d’être, mon savoir-faire étant relégué au second plan. Ici, les parents sont hyper présents dans la vie du bébé. Il y en a qui installent des applications pour le surveiller en permanence, ou qui notent ses moindres gestes dans des tableaux Excel. Puis, une fois l’enfant à la maternelle et les parents de nouveau au travail, c’est un peu l’inverse qui se produit, les visites chez le pédiatre se font rares, trop rares.
Quelles sont les maladies ou les troubles dont souffre l’actuelle génération d’enfants ?
Les allergies alimentaires et respiratoires ont explosé partout dans le monde, y compris chez nous. Il y a ensuite la puberté précoce, notamment chez les petites filles. L’âge de la puberté s’est modifié, ce qui a engendré une maturité sexuelle et une fertilité qui arrivent plus tôt. Je constate aussi les conséquences des écrans sur la santé mentale et physique des enfants. Chez le pré-adolescent, cette dépendance provoque plutôt des troubles du sommeil et de la concentration, mais chez les tout petits, cela peut déclencher des manifestations de type autistique ; l’enfant ne réagit plus, il ne sait plus utiliser ses jouets et semble perdu dans son monde.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.