Ionuț Ciurea est le président de l’association Pro Infrastructură qui s’efforce de promouvoir un développement durable des infrastructures de transports en Roumanie. Analyse de la situation pour les autoroutes et le chemin de fer…
Cette année, le budget alloué aux transports est de 14 milliards de lei – environ 2,8 milliards d’euros, ndlr –, soit une augmentation de 10% par rapport à l’année dernière. Cela permettra-t-il de concrétiser certains projets ?
Une augmentation budgétaire de 10% est insignifiante par rapport aux besoins du pays, il manque environ 2 000 km d’autoroutes et de voies rapides. Mais le plus gros problème n’est pas le budget, ce sont les procédures et surtout les gens qui devraient mener à bien ces projets. Ils n’arrivent même pas à dépenser les fonds qu’ils reçoivent. Le ministère des Transports est le champion des corrections budgétaires négatives en milieu d’année, c’est-à-dire qu’il est obligé de renoncer à l’argent qu’il n’a pas dépensé. Certes, la construction d’autoroutes implique une certaine inertie. Quel que soit le ministre, les nouveaux kilomètres d’autoroute qui seront inaugurés cette année l’auraient été de toute façon. Et ce qui se décide aujourd’hui dans les bureaux du ministère se verra dans deux, trois ans. Cependant, une action soutenue est, à un moment donné, nécessaire ; il faut s’assurer que les terrains sont constructibles, trouver de bons sous-traitants, envoyer le matériel, etc.
Quand se terminera l’autoroute Sibiu-Pitești, sans doute la plus attendue ?
En étant optimiste, disons dix ans, pour toute l’autoroute, soit 123 km. Je ne vois pas comment on pourrait aller plus vite. À elle seule, la conception dure deux ans, et la construction de l’autoroute proprement dite au moins quatre ans. Au cours des cinq dernières années, la Roumanie a construit 50 km d’autoroute par an. Or, nous avons besoin de 2 000 km. À ce rythme, nous aurons fini le réseau prévu dans quarante ans. De plus, cette moyenne optimiste de 50 km par an ne concerne que les routes construites en plaine plus ou moins vallonnée, pas en montagne. Le tronçon 1 de l’autoroute Sibiu-Pitești jusqu’à Boița, soit 13 km, est en travaux depuis un an, et il est encore loin d’être terminé. La construction de viaducs et de tunnels ralentit fortement le rythme des avancées. Dans la vallée d’Olt, plus de 70 km de tunnels d’autoroute devront être construits à travers la montagne, et ce n’est pas n’importe quelle montagne, il y a des glissements de terrain. Des analyses géologiques ont précisément été réalisées sur ce tronçon, avec des forages, ici et là. À mon avis, les études de faisabilité devront probablement être refaites, et les contrats déjà signés risquent d’être résiliés. Le constructeur va constater qu’il s’est engagé à construire la route sous certaines conditions, alors que celles sur le terrain sont bien différentes.
L’État mise-t-il suffisamment sur le réseau ferroviaire ?
Concernant le ferroviaire, la situation est pire qu’avec les infrastructures routières. Nous disposons d’un grand réseau de chemins de fer d’environ 13 000 km. Malheureusement, il fonctionne très mal. Plus de 10 000 km ont besoin d’être réparés, c’est urgent. Il faudrait notamment changer les digues de protection et les rails. Pourtant, selon nos études, le budget alloué pour ces réparations et l’entretien des lignes n’atteint que 10% des besoins. De plus, chaque année, de nouveaux kilomètres de chemins de fer s’ajoutent à la liste des kilomètres en manque de réparations. Au final, dans les quinze prochaines années, nous n’aurons plus de réseau. Il ne restera que deux ou trois corridors, avec un axe central qui partira d’Arad et traversera le centre du pays jusqu’à Bucarest et Constanța, et peut-être une ou deux lignes en Moldavie et en Transylvanie. Les gens n’utiliseront plus le train, ou alors seulement de Timișoara à Bucarest. Et encore, beaucoup préfèreront prendre l’avion.
Propos recueillis par Carmen Constantin.