Entretien réalisé le lundi 3 mars en fin de matinée, par téléphone et en roumain.
Professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’université de Bucarest, Ion-Ovidiu Pânișoară analyse les défis auxquels sont confrontés lycéens et enseignants, alors que le ministère de l’Éducation nationale envisage de leur donner plus d’autonomie…
Selon un projet du ministère mis en débat public, les lycéens pourront choisir une partie des cours qu’ils suivront. Quels seront les avantages et les risques d’une telle démarche ?
Le principal avantage dérive du fait que les lycéens se trouvent à la veille d’une décision cruciale, le choix d’une carrière, peut-être pour toute une vie, et il est essentiel qu’ils puissent tracer leur propre chemin. Cela s’accompagne toutefois d’un risque, car les élèves roumains ne sont pas formés pour faire un choix responsable. Ils pourraient ainsi opter pour des cours en fonction de leur préférence envers tel ou tel professeur, par exemple envers ceux qui sont plus enclins à donner de bonnes notes, sans égard pour la matière enseignée. Ce risque vient du système d’enseignement actuel, très centré sur le professeur, et où l’élève est simplement obligé de répondre à des questions. Avec ce projet du ministère, tout d’un coup, on va lui demander de faire un choix responsable. Cela n’est pas faisable, à moins de changer le système dans son ensemble dès le primaire, et de donner aux enfants la possibilité de prendre des décisions et de les rendre responsables très tôt. À court terme, cette proposition va entraîner un bouleversement. Selon moi, il est essentiel d’accompagner cette modification de certains mécanismes qui aideront les élèves à faire des choix sains, car le but ultime de l’école est de former des adultes responsables.
Faudrait-il également introduire de nouvelles méthodes d’enseignement, moins académiques, et qui prennent davantage en compte le bien-être psychique des enfants et adolescents ?
De telles méthodes sont déjà utilisées mais, vu le curriculum actuel extrêmement rempli, il est difficile de les mettre en œuvre à grande échelle. Si, en effet, elles produisent des résultats spectaculaires en termes de bien-être pour les élèves, de leur capacité à acquérir des connaissances, à prendre des décisions ou encore à collaborer avec leurs camarades, ces méthodes modernes sont extrêmement chronophages. La solution consisterait en une restructuration des programmes scolaires, qui sont trop chargés et ne permettent pas aux enseignants d’adapter leurs méthodes. Vu le temps limité et la grande quantité d’informations qu’ils doivent livrer, les professeurs se retrouvent les mains liées car ils risquent de ne pas pouvoir parcourir l’ensemble de la matière qu’ils enseignent. De leur côté, les élèves sont contraints d’apprendre mécaniquement, ils n’ont pas le temps d’assimiler les connaissances, de réfléchir, de faire des liens entre les différentes informations qu’ils reçoivent.
Quelle est votre approche vis-à-vis des nouvelles technologies dans les écoles ?
Les nouvelles technologies peuvent représenter une aide ou un risque, tout dépend de la manière dont on s’en sert. Les interdire serait une erreur. Ce qu’il faudrait, c’est réglementer leur utilisation. Certains experts évoquent ce nouveau concept de « diète technologique », comme pour le sucre ou le sel ; on peut en consommer, mais avec modération. Il faut utiliser la technologie dans certaines limites, seul l’excès nuit. Selon moi, les nouvelles technologies doivent être intégrées dans l’enseignement, elles font partie du monde moderne et les bannir reviendrait à renvoyer l’éducation au siècle passé. L’élève d’aujourd’hui est né dans un monde numérique et l’école doit tenir le pas, tout en imposant des règles et en enseignant aux enfants et adolescents la responsabilité qui leur incombe. Malheureusement, l’enseignement actuel met davantage l’accent sur l’information que sur l’éducation. Encore une fois, la technologie n’est qu’un outil, comme un couteau, par exemple, c’est l’homme qui doit décider comment s’en servir. Tout est question de responsabilité et de règles qu’il faut respecter.
Propos recueillis par Mihaela Rodina (03/03/25).