Entretien réalisé le lundi 15 mai dans la matinée, par téléphone et en roumain (depuis Petrila).
Caricaturiste et moteur d’un projet visant à donner une nouvelle vie à la mine de Petrila fermée en 2015 après avoir fourni le pays en charbon pendant 156 ans, Ion Barbu alterne humour et amertume pour décrire son action sous cette double casquette…
Qu’est-ce qui fait rire les Roumains ? Et qu’est-ce qui vous inspire ?
La classe politique et, plus généralement, le pays lui-même. Selon moi, la Roumanie est le pays de la caricature, et cela en raison de la situation politique. C’est un très beau pays qui pâtit néanmoins du fait de ses politiciens. Dans les années 1990, j’ai publié deux recueils de caricatures consacrés l’un à la classe politique, et l’autre à l’ancienne Securitate (ndlr : l’ex-police politique communiste). À l’époque, j’étais un brin naïf, je ne pensais pas que les choses iraient si loin. Mais jour après jour, il suffit d’appuyer le bouton magique, c’est-à-dire d’allumer la télé, et les sujets se prêtant à être transposés en caricatures affluent, on a l’embarras du choix. On pourrait penser que les caricatures de presse deviennent vite datées car elles traitent du sujet du jour, mais à mon avis, elles restent pertinentes longtemps après leur parution.
Vous êtes en même temps l’âme d’une entreprise visant à sauver de l’oubli la mine de Petrila, où en êtes-vous ?
Il y a dix ans, avec l’appui de membres de la société civile, je me suis attelé à empêcher la démolition des bâtiments de surface de la mine, de véritables monuments historiques. Après cinq ans d’efforts, nous avons sauvé ces constructions, mais malheureusement, la plupart des installations ont été pillées et vendues à la ferraille. C’est sur les ruines de celles qui ont pu être sauvegardées que nous tentons de bâtir ce projet, en transformant l’exploitation minière en exploitation culturelle. Petrila abrite déjà un musée du sauveteur minier (Muzeul Salvatorului Minier, ndlr), mis en place par un mineur à la retraite et retraçant l’histoire de l’extraction ; nous voulons y ajouter un volet art contemporain. L’ensemble des éléments liés à la mine sont des œuvres d’art très profondes…
Bénéficiez-vous du soutien des habitants et des autorités locales ?
Ces derniers temps, les rangs de volontaires locaux se sont étoffés, car au début, les habitants de la ville étaient plutôt réservés. Quant aux autorités, leur aide est toujours loin de nos attentes, apparemment elles ne réalisent pas quelle mine d’or recèle Petrila. Du coup, le projet avance, mais moins rapidement que je ne le souhaiterais. Une journée « mines ouvertes » a notamment été organisée le 1er mai, et à cette occasion, j’ai commencé à mettre en place mes idées visant à transformer un terrain vague en musée en plein air. Il s’agit d’installations satiriques de grande taille. C’est la première fois que j’expose mes travaux à l’extérieur, et je compte continuer à peupler ainsi ce parc culturel. Petit à petit, l’ancienne mine est devenue l’une des principales attractions de la Vallée du Jiu. Je pense que le tourisme culturel peut représenter une chance de reconversion pour cette région.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.