Entretien réalisé le vendredi 5 mai dans la matinée, par téléphone et en roumain.
L’ONG Salvați Copiii (Sauvez les enfants) a publié un nouveau rapport sur les enfants roumains dont les parents sont partis à l’étranger. Anca Stamin, chargée de projet au sein de l’ONG, revient sur les résultats de cette étude nationale…
Quelles sont les nouvelles données concernant les enfants dont les parents sont partis travailler à l’étranger ?
Selon nos recherches, un enfant sur quatre en Roumanie a déjà fait l’expérience d’au moins un parent parti travailler à l’étranger, l’enfant restant dans le pays. Dans le courant de l’année 2022, plus d’un demi-million d’enfants, sur environ 4 millions en Roumanie, ont vu au moins un de leurs parents partir travailler à l’étranger. Or, les statistiques officielles ne font état que d’environ 70 000 enfants dans cette situation. Sur ces 536 000 enfants, environ 184 000 ont vu leurs deux parents ou le seul parent en charge partir. Ceux-là ont alors été confiés à leurs grands-parents ou d’autres proches. L’étude revient également sur les conséquences du départ pour l’enfant, notamment psychologiques. Elle révèle qu’ils sont plus sujets à un comportement à risque et à des difficultés scolaires. Ils ont souvent des difficultés émotionnelles, beaucoup d’entre eux ressentent un sentiment d’abandon, de culpabilité, d’autant plus que beaucoup de parents leur disent qu’ils partent pour leur bien, sans se rendre compte qu’ils laissent ainsi un lourd fardeau sur les épaules de leur progéniture.
Pourquoi ce type de situation est-il prépondérant dans la société roumaine ?
Des vagues massives de migration ont eu lieu avec l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en 2007. Beaucoup de Roumains sont partis à la recherche d’une vie meilleure, d’un emploi et d’un revenu plus élevé. Malheureusement, nombre d’entre eux n’ont pas pu trouver un travail stable ou même un logement adéquat. L’étude montre bien que la plupart d’entre eux ne pouvaient pas emmener leurs enfants en raison de l’instabilité de leur emploi. Ils sont travailleurs saisonniers, notamment dans l’agriculture, reviennent en Roumanie pour une période et repartent. Dans leur cas, il est impossible d’emmener leurs enfants avec eux. Et jusqu’à aujourd’hui, vu la situation socio-économique en Roumanie, ces émigrés ne sont toujours pas prêts à revenir de l’étranger. La pauvreté est très élevée, il n’y a pas d’opportunité de travail. La plupart des emplois se trouvent à Bucarest, tandis que les zones rurales, comme la région de Moldavie, sont délaissées. D’ailleurs, la plupart des enfants dont on parle sont localisés dans ces régions.
Comment les soutenir ?
La première étape est de les identifier, car beaucoup de ces enfants se trouvent dans des situations très vulnérables. Il doit exister une collaboration entre leur école et les services sociaux locaux afin qu’ils puissent bénéficier d’un soutien éducatif par le biais de programmes extra-scolaires ou de centres de jour, comme nous le proposons avec notre ONG. Ensuite, il est nécessaire que les parents soient bien informés sur le comportement à adopter lorsqu’ils partent à l’étranger. Il est très important que les parents les préparent, leur expliquent pourquoi ils partent, pour combien de temps, à quelle fréquence ils reviendront, comment ils communiqueront. Une fois à l’étranger, ils doivent communiquer sans cesse et s’impliquer réellement dans la vie de l’enfant. Enfin, ce soutien doit s’inscrire dans un cadre légal. Cela a été fait en 2013 ainsi que l’année dernière, des améliorations ont été apportées à la Loi sur la protection et la promotion des droits de l’enfant.
Propos recueillis par Marine Leduc.