Entretien réalisé le jeudi 14 septembre dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Ioana Raluca Petru est psychologue clinicienne, notamment auprès des jeunes. Elle se penche sur la consommation de drogues chez les élèves en Roumanie…
Comment la consommation de drogues a-t-elle évolué ces dernières années ?
La pandémie, et surtout le confinement, ont contribué à l’augmentation de la prise de drogues, en particulier celles censées contrer l’anxiété et l’angoisse. Je pense plus précisément à la marijuana issue du cannabis qui reste la principale drogue consommée par les jeunes Roumains. S’y ajoutent les « party drugs », les drogues de synthèse qui sont des substances souvent prises par les adolescents et les jeunes adultes lors de fêtes, de concerts, de « raves », dans les bars ou boîtes de nuit. Il y a aussi le protoxyde d’azote ou gaz hilarant, qui est très dangereux et de plus en plus répandu. Dans ce cas précis, le risque de surdose est très élevé et les conséquences catastrophiques ; la mort survient rapidement. Ceci étant, en Roumanie, il est très rare que les jeunes consomment des drogues dures telles que l’héroïne ou la cocaïne. Déjà parce qu’elles sont chères, et ensuite parce que les adolescents sont pour la plupart adeptes du « d’accord pour tout, mais pas se piquer à l’héroïne ».
S’il fallait dresser le portrait d’un jeune consommateur, quel serait-il ?
Anxieux, dépressif, angoissé. Souvent, les parents préfèrent pointer du doigt l’entourage de leur enfant. Mais il faut bien comprendre que la pression du groupe ne fonctionne que si le jeune a déjà de son côté quelques soucis. De nos jours, de plus en plus de jeunes se confrontent à des épisodes dépressifs, des crises d’angoisse, des attaques de panique. Pourquoi ? D’après des études, l’une des principales causes serait l’éducation moderne qui ne pose pas suffisamment de limites, et ne fait qu’alimenter un sentiment d’insécurité et d’anxiété à l’adolescence. Or, la première raison qui se cache derrière la consommation de drogues, c’est de vouloir se sentir mieux dans sa tête.
Quelles seraient les solutions pour combattre ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur*?
Une piste serait d’autoriser la consommation du cannabis à partir de l’âge de 18 ans, mais de façon contrôlée, tout en continuant à interdire la culture de la plante chez soi. Cela permettrait notamment de réduire le marché illégal. À l’heure actuelle, en Roumanie, le cannabis est trop bon marché. Il faudrait que le prix d’un gramme passe de 50 lei, comme c’est le cas actuellement, à 250 lei, par exemple, afin de le rendre moins accessible. Je préciserais qu’avant l’âge de 18 ans, fumer du cannabis reste particulièrement dangereux, cela augmente le risque d’accident vasculaire ou de tachycardie. Il faudrait aussi que les parents soient plus vigilants, présents, et prêts à intervenir au moindre signe, par exemple s’ils détectent une odeur particulière dans la chambre de leur enfant, ceci afin de nouer rapidement un dialogue avec lui et de mettre éventuellement en place une aide psychologique. À l’école, je pense qu’il faudrait davantage profiter du programme « Şcoala altfel » (l’école autrement, ndlr) durant lequel les élèves se voient proposer des activités hors programme scolaire, avec notamment des rencontres avec des spécialistes, psychologues, psychiatres, cardiologues, neurologues, dans le but d’expliquer les risques liés à la consommation de drogues. De nos jours, il ne sert à rien de dire à un enfant de ne pas faire ceci ou cela parce que ce n’est pas bien. Il faut lui expliquer pourquoi, avec de vrais arguments.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.
* Article de Gândul sur le sujet (19/04/2023) : https://www.gandul.ro/actualitate/exclusiv-psihologii-contrazic-estimarile-oficiale-90-dintre-elevi-consuma-droguri-cel-putin-ocazional-19960876