En décembre, Paris accueillera des délégations du monde entier lors de la COP 21 (Conférence annuelle des Parties). Un rendez-vous crucial pour l’avenir environnemental de la planète. Si rien n’est fait pour réduire la pollution, les températures globales pourraient augmenter de 4 à 5 degrés à l’horizon 2100. Les conséquences pour l’agriculture, le tourisme ou l’industrie seraient catastrophiques. De son côté, la Roumanie a quasiment rempli les objectifs ambitieux établis par l’Union européenne d’ici 2020 : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport à 1990, utiliser l’énergie provenant de ressources renouvelables à hauteur de 20 %, et augmenter de 20 % l’efficacité énergétique. Du coup, ce n’est pas tant la « propreté » de son énergie qui préoccupe aujourd’hui Bucarest, mais assurer son approvisionnement. Le désordre au sein du secteur énergétique local notamment inquiète les experts.
Viorel Gafiţa, président du groupe Romelectro, compagnie spécialisée dans les services pour l’industrie énergétique :
« Il n’y a plus de prédictibilité sur le marché de l’énergie car la législation actuelle est changeante. Du coup, l’atout que représente notre diversité énergétique, avec 43% d’énergie à base de ressources fossiles (charbon et gaz, ndlr), 28% d’énergie hydroélectrique, 16% d’énergie nucléaire, et 13% d’énergie éolienne pourrait se transformer en désavantage dans vingt ans. Nucleareletrica (compagnie publique qui gère la centrale nucléaire de Cernavodă, ndlr), par exemple, est aujourd’hui une société très rentable. Mais si dans quelques années et pour diverses raisons, y compris des changements climatiques importants, voire des sècheresses prolongées, nous devons fermer la centrale, le pays devra renflouer environ 30 à 40% de son coût initial. Et si l’on regarde les technologies thermiques, en particulier celles qui fonctionnent avec du charbon, certains équipements ont aujourd’hui presque quarante ans. Je pense que l’une des grosses erreurs a été de diviser les fournisseurs d’énergie. Aujourd’hui, les producteurs se cannibalisent. »
Elena Popescu, directrice générale de la Direction énergie et environnement au ministère de l’Energie :
« La Roumanie a pratiquement atteint ses objectifs en termes de production d’énergies renouvelables pour 2020 imposés par l’Union européenne. Ces ressources énergétiques vertes vont continuer d’occuper une place importante dans notre mise énergétique, mais leur développement doit tenir compte de la capacité d’absorption de notre réseau, ainsi que des augmentations de tarif pour les consommateurs. Nos récentes simulations montrent que l’augmentation de la part de l’énergie verte dans le système provoquera des hausses de tarif trop importantes.
Par ailleurs, nous avons affaire à une situation climatique bien différente de celle en Europe de l’Ouest. Ici, la température varie entre -20°C en hiver, et +40°C en été. Notre système électro-énergétique, comme celui d’approvisionnement en gaz, doit pouvoir faire face à ces extrêmes. En hiver, la pression du réseau de gaz diminue, le vent ne souffle pas, le niveau des rivières est bas et il n’y a pas de soleil, sur quoi pouvons-nous alors compter ? Sur le charbon. 40% de l’énergie produite en Roumanie se base sur nos ressources en charbon. C’est une bonne chose car cela nous assure une certaine indépendance énergétique ; en même temps, c’est un handicap en ce qui concerne les normes environnementales. »
Bogdan Badea, secrétaire d’Etat du ministère de l’Energie :
« La Roumanie a un besoin urgent d’investissements dans le domaine énergétique. Ces dernières années, nous n’avons pas suffisamment investi ni dans les réseaux de distribution, ni dans notre capacité d’interconnexion avec d’autres pays. Actuellement, cette dernière est de seulement 7% contre 10%, le standard demandé par l’Europe. Et si nous attendons qu’un barrage cède pour nous rendre compte de cette situation, les conséquences pourraient être très graves. Quand on voit ce qui se passe actuellement au niveau géopolitique, on se dit qu’il nous faut des compagnies énergétiques puissantes et performantes. Or, la majorité de nos producteurs d’énergie ont utilisé l’inertie du marché pour fonctionner, parce que la demande était là et que les gens payaient. Du coup, la qualité du management n’a jamais été au rendez-vous. Et cela se ressent aujourd’hui. »
Laurenţiu Ciurel, directeur du complexe énergétique Oltenia :
« Personne ne s’est posé la question de savoir comment, en seulement cinq ans, les autorités ont approuvé la construction de fermes éoliennes pour une production énergétique de près 30 000 mégawatts, alors que la Roumanie consomme 7 000 mégawatts et que sa capacité d’exporter est entre 1 000 et 1 500 mégawatts. On a longuement parlé de gros investissements, de l’ordre de 5 milliards d’euros. Mais selon moi, ces investissements sont désormais partis en Allemagne ou au Danemark, chez les producteurs d’éoliennes, pas en Roumanie. »
Niculae Havrileţ, Agence nationale de réglementation du secteur de l’énergie (ANRE) :
« L’efficience énergétique des bâtiments représente une priorité pour la Roumanie, sachant que le logement seul cumule 45% de la consommation interne d’énergie et que le potentiel de réduction de cette consommation est de 40%. Une autre priorité est liée à l’amélioration de l’efficacité énergétique des producteurs d’énergie et des réseaux de transport. Les services publics comme le chauffage, le transport ou l’éclairage public doivent faire également l’objet d’un grand chantier coordonné afin de mettre en avant le développement durable et le respect de l’environnement. »
Propos recueillis par Mihaela Cărbunaru (octobre 2015).