Daniel est kinésithérapeute, sa femme, Elena, est psychologue. Ils ont un garçon de six ans et habitent un petit appartement dans un immeuble de trois étages du côté de Piaţa Muncii, à Bucarest. Tout près, la famille dispose d’un parc assez bien entretenu, elle s’y promène souvent, notamment les soirs d’été. Environ une fois par mois, ils partent rendre visite aux grands-parents maternels qui vivent sur les hauteurs de Câmpina, à moins de deux heures de la capitale. Et pendant les grandes vacances, si les premiers mois de l’année ont été bons, ils voyagent généralement en Grèce, ce n’est pas très loin, le trajet peut se faire en voiture. Elena et Daniel sont un couple comme il y en a beaucoup en Roumanie. Des gens doux et agréables, qui parlent avec modération, en souriant quand il y a lieu de sourire, en riant quand il y a lieu de rire, qui ont de l’empathie, de l’éducation, une vision pragmatique et mature de leur quotidien, et un regard sur la marche du monde souvent surprenant de lucidité et savoir. Des couples comme Elena et Daniel, il y en a beaucoup aussi ailleurs, parfois dans des pays peu recommandés. Où l’on a du mal à imaginer un autre quotidien que celui qu’on nous décrit. Pourtant, malgré les aberrations dont ils peuvent être victimes, malgré les dysfonctionnements divers de leur société, ils ont une vie plutôt normale, avec ses joies et ses petits malheurs, parfois ses grands bonheurs. Des gens qui n’ont pas besoin de se faire valoir, qui savent qu’il ne sert à rien de se rendre malade pour avoir plus. Et qui ne demandent pas davantage que de partager, de temps en temps, une bonne table entre amis ; ils ont compris que le bonheur suprême était peut-être juste là, devant son assiette et une bouteille de vin. Et qu’entre deux éclats de rire, il y aura la chaleur de la main de l’être aimé. Je me dis que tous ces couples comme Elena et Daniel mériteraient sans doute d’être davantage respectés par l’homme politique ou quelque entité que ce soit ayant un impact sur leur vie. Qu’il faudrait peut-être aussi arrêter de les déranger sans cesse avec un tas de choses dont ils n’ont pas vraiment besoin. J’ai envie de leur souhaiter de belles vacances, en espérant qu’ils rencontreront d’autres couples comme eux, peut-être en Grèce. Des couples qui ont ce courage de vivre avec élégance, malgré tout.
Laurent Couderc (juillet 2015).