Après avoir été l’un des principaux centres industriels du pays, Braşov a connu un long déclin à la chute du communisme. Ville de passage entre la Transylvanie et la capitale, elle a laissé sa petite sœur, Sibiu, lui faire de l’ombre. Mais reprend enfin son destin en main.
Ces dernières années, Braşov s’est métamorphosée. Il suffit de se promener au hasard des rues pour s’en rendre compte. Par ici une piscine olympique ultra moderne, le grand cinéma du centre-ville remis à neuf, un peu plus loin la maison de retraite municipale rénovée… Bref, les choses bougent. Et le maire, George Scripcaru, quarantenaire dynamique qui en est à son troisième mandat, n’est pas à court de projets. « Les infrastructures sont la composante la plus importante pour le développement économique de la ville », assène-t-il. La construction d’un aéroport, dont la finalisation des travaux est prévue pour le printemps 2015, devrait notamment permettre à Braşov de ne plus dépendre de Bucarest ou de Sibiu côté aérien. Le projet d’un centre intermodal pour le transport de marchandises transformera par ailleurs la ville en un pôle de transit incontournable à l’échelle de la Roumanie. Enfin, l’autoroute qui la liera à Bucarest et au reste de la Transylvanie rendra Braşov plus accessible. « Sur ce dernier point, nous n’avons aucune prise (le projet dépend du ministère des Transports, ndlr). Mais en attendant, nous avons construit une rocade afin de désengorger la ville », complète George Scripcaru. A noter également la construction d’un grand parc d’attractions au pied des pistes de Poiana Braşov (voir le numéro 62 de Regard, page 48).
Dans les années 1970, des bus spéciaux parcouraient tout le pays, notamment la Moldavie, à la recherche de main-d’œuvre
Cette soif de redevenir un pôle dynamique tient certainement à l’histoire de Braşov. Centre industriel unique dans le pays, ce petit bourg médiéval saxon était sous Nicolae Ceauşescu la deuxième agglomération du pays avec environ 370.000 habitants. Plus de 100.000 ouvriers travaillaient dans les usines de la ville. Dans les années 1970, les communistes avaient poussé tellement loin l’industrialisation de Braşov que des bus spéciaux parcouraient tout le pays, notamment la Moldavie, à la recherche de main-d’œuvre. Des barres d’immeubles furent alors construites à la hâte pour accueillir ces jeunes venus de la campagne. Mais à la chute du régime, tout s’est soudainement effondré. La ville plongea dans une crise économique, sociale et démographique sans précédent. Braşov se vida. « A la fin des années 1990, sur dix transactions immobilières que je traitais, huit étaient des départs, se souvient Loredana Ciurea, agent immobilier. Depuis, la ville attire surtout les touristes. » Aujourd’hui, Braşov ne compte plus que 250.000 habitants.
Pour un nouvel essor
Afin de recouvrer le dynamisme d’antan, les élus locaux ont donc décidé de rassembler leurs forces en constituant notamment la fameuse Agence métropolitaine. Cette communauté de communes regroupe désormais les 17 municipalités du Ţara Bârsei, la région historique dont Braşov est la capitale, ainsi que le conseil général. La nouvelle organisation possède déjà à son actif le rattachement au tout-à-l’égout sur l’ensemble de la communauté, mais aussi la modernisation des routes et la création d’un réseau de transports publics qui sera opérationnel dès l’année prochaine. « L’Agence métropolitaine de Braşov est une structure qui nous permet d’intégrer les besoins de tous les acteurs de la région dans un plan stratégique de développement équilibré », résume avec fierté son directeur, Dragoş David. Cet ancien député européen possède une vision très occidentale de l’évolution de son agglomération. D’ici 2020, celle-ci devra proposer un centre d’excellence universitaire desservi par un réseau de transports sans faille. Le directeur de l’Agence métropolitaine conclut qu’« on pourrait comparer Braşov à un corps humain, dont l’université serait son cerveau, les infrastructures de transports ses veines et l’administration locale son cœur ».
Saxonne, mais pas vraiment
Petite bourgade saxonne pendant des centaines d’années, Braşov a connu des mutations radicales tout au long du 20ème siècle. La transformation de la ville en un centre industriel stratégique par le roi Charles 1er d’abord qui a développé l’industrie de l’armement, puis par le régime communiste, a eu un effet radical sur sa composante sociale. En 1919, Brasov comptait 19.000 habitants, en 1976 ils étaient déjà plus de 370.000. Les Saxons sont devenus minoritaires alors qu’une forte partie des nouveaux arrivants étaient issus du monde rural. En 1990, sur cinq habitants de Braşov, un seul était né dans la ville. Cet afflux de population n’a toutefois pas atténué l’identité germanique de la cité. « Aujourd’hui, les études montrent que seulement 2% des habitants souhaitent quitter la ville alors que la moyenne des grandes villes roumaines se situe à 20%, note le sociologue Gheorghe Onuţ. Il est amusant que nous soyons tous très attachés à l’identité saxonne de la ville, car la majorité d’entre nous ne sait pas grand-chose de celle-ci. »
Jonas Mercier (décembre 2013).