Entretien réalisé le mercredi 21 février dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Nouvel échange avec Dumitru Chisăliță, président du groupe de réflexion Asociația Energia Inteligentă, sur le tarif du gaz, sa production, et l’avenir de cette source d’énergie fossile…
On lit souvent dans les médias que le tarif du gaz en Roumanie est parmi l’un des plus élevés au sein de l’Union européenne, est-ce effectivement le cas ?
Une Ordonnance d’urgence adoptée en 2022 a suspendu l’application du tarif du gaz prévu dans les contrats avec les particuliers. Cela fait qu’officiellement, il existe aujourd’hui deux tarifs : celui mentionné dans les contrats, qui n’est pas appliqué, et ce jusqu’au 31 mars 2025, et le tarif que nous retrouvons sur nos factures, qui est le résultat des déductions appliquées par le gouvernement. Eurostat – l’organisme des statistiques de la Commission européenne, ndlr –, qui prend logiquement en considération le tarif mentionné dans les contrats de livraison, place en effet la Roumanie en haut du classement parmi les pays de l’UE. Mais en réalité, ce que paie le particulier est moindre, il bénéficie d’une réduction d’environ 50%. Idem pour l’électricité où le tarif payé est de 20 à 30% inférieur à celui prévu dans les contrats. En termes de coût réel pour la population, la Roumanie se trouve en milieu de classement pour le gaz, et en bas de classement pour l’électricité par rapport aux autres pays de l’UE.
Que se passera-t-il après cette date butoir que vous évoquez, le 31 mars 2025 ?
Plusieurs scénarios sont envisageables. Le premier : reconduire le schéma actuel de compensation du tarif. Mais c’est peu probable, une telle mesure enfreindrait la législation européenne. L’UE avait autorisé une dérogation permettant aux pays d’instaurer des mesures de soutien aux particuliers, mais cette dérogation a expiré fin 2023. La Roumanie se trouve donc déjà en infraction. Reconduire cette mesure ne ferait qu’aggraver la situation du pays qui pourrait être traduit en justice par Bruxelles. Un deuxième scénario serait de renoncer carrément au marché libre et de réglementer le prix du gaz. Mais cela équivaudrait à une violation encore plus flagrante de la législation européenne. Enfin, le gouvernement pourrait ne rien faire, ce qui aboutirait à un doublement du prix du gaz payé par les particuliers à partir du 1er avril 2025, selon les taux prévus dans les contrats. Mais il y a un quatrième scénario pour lequel nous plaidons et que nous avons détaillé dans une lettre envoyée au Premier ministre qui prévoit des mesures législatives, fiscales et de réglementation du marché visant à se prémunir contre cette explosion redoutée des tarifs. Force est de constater que pour le moment, nous nous trouvons face au troisième scénario, celui où le gouvernement reste les bras croisés.
Où en est la Roumanie en termes de production de gaz ? Cette énergie a-t-elle encore un avenir dans un monde qui se veut plus vert ?
La Roumanie se trouve actuellement en deuxième position au sein de l’UE pour la production de gaz. Si l’extraction du gaz de la mer Noire commence en 2027 comme prévu*, nous occuperons la première place. La production onshore et offshore envisagée pourra satisfaire sans problème les besoins actuels de l’économie et des particuliers pendant une dizaine d’années. Maintenant, pour ce qui est de l’avenir du gaz, là encore plusieurs scénarios sont possibles. Mais vu le contexte géopolitique, avec notamment la guerre en Ukraine, je dirais que le gaz naturel continuera d’être une source d’énergie importante pour les 20 à 25 prochaines années, que ce soit en Europe ou à travers le monde.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.
* Pour plus d’infos sur ce sujet : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/gaz-en-mer-noire-omv-va-investir-4-milliards-d-euros-avec-le-roumain-romgaz-20230621
À lire ou à relire, notre précédent entretien avec Dumitru Chisăliță sur la situation énergétique générale de la Roumanie (« Regard, la lettre » du samedi 22 janvier 2022) : https://regard.ro/dumitru-chisalita