Daniel Jinga est le chef de chœur de l’Opéra national de Bucarest et le chef principal de l’Orchestre symphonique de Muntenia. Paroles d’artiste…
Comment expliquez-vous que la musique classique soit si populaire en Roumanie ?
C’est avant tout une question d’éducation. Bien que nous nous en plaignions, il y a aussi ce qui se passe au sein de la famille, au-delà du système éducatif. Par ailleurs, peut-être que notre esprit est enclin à l’introspection, au rêve… Le peuple roumain a toujours été un peuple consommateur de culture, et très talentueux. Je ne sais pas exactement quelle est la situation en Occident, mais je peux dire qu’en Roumanie l’attrait pour la culture est assez exceptionnel. J’ai longtemps travaillé en indépendant et j’ai toujours bénéficié d’une grande demande, que ce soit en tant que chef d’orchestre à l’Orchestre métropolitain de Bucarest, ou lors de concerts de pop symphonique dans des parcs en collaboration avec des artistes populaires. Même pendant la période actuelle, les artistes ont su trouver des solutions pour rester proches d’un public fidèle. Si les restrictions sanitaires ne nous permettent pas de présenter les œuvres de façon classique, on s’est adaptés. Une fois par semaine, nous nous réunissons pour filmer tout un spectacle, qui est ensuite diffusé en ligne chaque dimanche à partir de 19 h.* Le public peut soutenir cette initiative en payant le prix d’un billet, entre 20 et 30 lei. Vu que les subventions publiques de cette année sont faibles, si nous ne gagnons pas d’argent, nous ne pouvons pas résister. De fait, j’aimerais que ces concerts en ligne demeurent même après la levée des restrictions.
* https://operanb.ro/spectacol/il-trovatore/
Quels sont vos prochains objectifs artistiques ?
On me dit souvent que je suis un artiste difficile à catégoriser. Je ne sens pas qu’un style particulier me définisse, et cela me va bien, je n’ai pas envie aujourd’hui de me restreindre à un domaine ou à un genre de façon définitive. Dans le même temps, je rêverais de diriger un concert choral a cappella dans une cathédrale, ou une comédie musicale aux sons pop rock, avant de retourner à l’opéra et de préparer le chœur pour une œuvre du répertoire comme Aïda, Nabucco ou La Traviata. J’aime aussi diriger des voix symphoniques, je me suis toujours senti très proche de la musique sacrée.
Quels sont les avantages et les inconvénients de la vie d’artiste en Roumanie ?
Les inconvénients concernent surtout la stabilité financière et émotionnelle. Mais je pense qu’on les retrouve partout dans le monde. À un moment donné, vous pouvez avoir beaucoup de succès ; à un autre, plus aucun. Cela peut être très dur mentalement, et aussi devenir une question de survie d’un point de vue matériel. Quant aux avantages, selon moi, ils sont nombreux. Les artistes aiment ce qu’ils font et ils sont aimés en Roumanie, le public est fidèle, chaque artiste a le sien. Peu importe que vous soyez dans un domaine de niche ou plus populaire, chacun a son public, son succès et sa satisfaction. Aujourd’hui, nous espérons tous que les salles de concert s’ouvrent de nouveau progressivement et accueillent des spectateurs. De nombreux artistes ont été vaccinés et beaucoup d’amateurs d’opéra ont également été vaccinés. D’ailleurs, le ministère de la Culture vient de lancer un projet pilote pour l’organisation de spectacles face à un public qui aura présenté un test négatif et portera le masque. Un rayon d’espoir est en train d’apparaître. Et cet été, nous pourrons certainement accueillir les spectateurs lors de concerts en plein air.
Propos recueillis par Carmen Constantin.